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Masque Makondé – Tanzanie et Musée Barbier-Mueller

En 2010, le Musée Barbier-Mueller fait don du Masque Makondé à la Tanzanie, et met ainsi fin à un litige qui aura duré plus de 20 ans. Le litige fut porté devant le Comité intergouvernemental de l’UNESCO. L’Office fédéral suisse de la culture (OFC) est aussi intervenu.

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Citation : Anne Laure Bandle, Raphael Contel, Marc-André Renold, « Affaire Masque Makondé – Tanzanie et Musée Barbier-Mueller », Plateforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

En 2010, le Musée Barbier-Mueller fait don du Masque Makondé à la Tanzanie, et met ainsi fin à un litige qui aura duré plus de 20 ans. Le litige fut porté devant le Comité intergouvernemental de l’UNESCO. L’Office fédéral suisse de la culture (OFC) est aussi intervenu.

I. Historique de l'affaire

Demandes de restitution post 1970

  • 1984 : Lors d’un cambriolage au musée national de Tanzanie (Dar Es Salaam Museum), le Masque Makondé ainsi que 16 autres objets sont volés. Le musée en informe les autorités nationales et internationales, tels qu’INTERPOL et le Conseil international des musées (ICOM).[1]
  • Septembre 1985 : Le Musée Barbier-Mueller (BM) de Genève acquiert le masque à Paris.
  • 1990 : Le Musée BM est averti du cambriolage par un professeur italien, Prof. Enrico Castelli de l’Université de Perugia.[2] Subséquemment, le musée s’adresse à l’ICOM afin de lui annoncer qu’il détient le masque.[3]
  • Sur la base notamment du code de déontologie de l’ICOM, le musée envisage une éventuelle restitution du masque rituel au gouvernement tanzanien.[4] Différents échanges entre les parties s’ensuivent. Le musée BM propose à la Tanzanie un prêt à long terme du masque.[5]
  • 2002 : Le Musée BM propose officiellement à la République de Tanzanie la conclusion d’un accord portant sur la restitution du masque dont les termes ne nous sont pas connus. Les parties ne trouvent pas un terrain d’entente et les négociations échouent.
  • 31 mai 2006 : La Tanzanie saisit formellement le Secrétariat du Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la promotion et le retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégitime (Comité intergouvernemental de l’UNESCO). Cette démarche interrompt toutes les négociations entres les parties.[6]
  • Subséquemment, le Musée BM dépose officiellement plainte contre la République unie de Tanzanie qui est transmise au Comité intergouvernemental de l’UNESCO par l’Office fédéral de la culture.
  • 5 mai 2009 : La Tanzanie déclare pouvoir assurer la protection du masque si celui-ci devait lui être retourné.[7]
  • Août 2009 : Le Ministère des ressources naturelles et du tourisme de Tanzanie annonce son intention au musée BM d’accepter les conditions proposées par le musée BM en février 2002.
  • 6 novembre 2009 : La Tanzanie et le musée BM se rencontrent à Genève pour négocier la restitution du masque.
  • 10 mai 2010 : La Tanzanie et le Musée BM concluent un accord portant sur la donation du masque par le musée BM à la Tanzanie. Cet accord est confidentiel.

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II. Processus de résolution

Négociation – Facilitateur ad hoc (l’Office fédéral de la culture Suisse) – Facilitateur  institutionnel (l’ICOM et le Comité intergouvernemental de l’UNESCO) – Médiation

  • Le processus de résolution du litige a fait l’objet de négociations entre les représentants du Musée BM et la délégation gouvernementale de la Tanzanie.
  • Durant le processus de résolution, différents intermédiaires sont intervenus. Lorsque le musée BM apprend en 1990 que le Masque a été volé, il en informe l’ICOM. L’Office fédéral de la culture (suisse) est intervenu en tant que facilitateur dans les négociations.[8]
  • Malgré les efforts consacrés par les deux parties à cette affaire durant plusieurs années, elles ne parviennent pas à s’entendre. La Tanzanie décide alors de s’adresser au Comité intergouvernemental de l’UNESCO en formulant une demande de restitution auprès de son Secrétariat. A cet effet, la Tanzanie a remplis le « formulaire type pour les demandes de retour ou de restitution »[9] du Comité intergouvernemental de l’UNESCO avec toutes les pièces justificatives correspondantes. Le Comité a ensuite transmis cette demande et tous les documents y relatifs à la Suisse.[10]
  • En réponse à cette demande de résolution devant le Comité, le musée BM dépose une plainte contre la Tanzanie auprès du Comité intergouvernemental de l’UNESCO par l'intermédiaire de l'Office fédéral de la culture. La raison pour laquelle l’Office propose ses bons offices est que le Comité intergouvernemental a uniquement le pouvoir de traiter les requêtes qui lui sont adressées par les États membres ou Membres associés de l’UNESCO (v. art. 9 al. 1 des Status du Comité intergouvernemental).
  • Les négociations ont été reprises fin 2009 entre la Tanzanie, le Musée BM et les autorités suisses et avec l’encouragement du Comité intergouvernemental de l’UNESCO.[11] Ces négociations ont abouti à un accord signé sous l'égide de l'ICOM qui a permis le retour du Masque.

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III. Problèmes en droit

Propriété

  • Principalement, le gouvernement tanzanien remet en question la validité de l’acquisition du masque Makondé par le Musée BM. Notamment, le musée BM pourrait ne pas être protégé par la bonne foi. En effet, l’ICOM et INTERPOL ont été avertis du cambriolage immédiatement après sa survenance. Le musée BM aurait pu s’informer sur la provenance du masque auprès de ces deux organisations, ce qu’il n’a pas fait. Par conséquent, on pourrait lui reprocher de ne pas avoir respecté son devoir de diligence pour autant qu’un devoir de se renseigner puisse être exigé. Dans l’hypothèse d’une acquisition de mauvaise foi, le droit suisse permet au propriétaire antérieur de revendiquer l’objet « en tout temps » (art. 936 al. 1 CC[12]).
  • En revanche, dans l’hypothèse d’une acquisition de bonne foi par le Musée BM, le délai de péremption de l’action en revendication aurait été probablement échu (art. 934 al. 1 CC). Au moment des faits, le délai en vigueur était de 5 ans depuis la dépossession. Ce délai a été prolongé à 30 ans par l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels[13] du 20 juin 2003 (art. 934 al.1bis CC), sans pour autant s’appliquer rétroactivement (art. 33 LTBC).

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IV. Résolution du litige

Restitution sous condition

  • Les négociations qui auront duré plus de 20 ans ont finalement abouti à un accord entre la Tanzanie et le Musée BM. Grâce à cet accord, le masque a été remis le 10 mai 2010 aux représentants du gouvernement tanzanien (Dr Donatius M. K. Kamamba et Caroline J. M. Mchome) par Monique Barbier-Mueller et Laurence Mattet en présence de Julien Anfruns, directeur de l’ICOM et de représentants de l’UNESCO.
  • L’accord « de donation » est sujet à conditions, notamment que le masque soit correctement conservé.[14]
  • Durant cette cérémonie de restitution et dans son dossier de presse, l’ICOM a rappelé l’importance de son Code de déontologie.

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V. Commentaire

  • Cette affaire est particulièrement intéressante à la vue du nombre et de la qualité des intervenants qui ont collaborés lors de sa résolution. En effet, des institutions non-gouvernementales mais aussi des autorités officielles ont eu un rôle d’intermédiaire « facilitateur » dans les négociations.
  • Il convient de noter que les négociations entre les parties ont été suspendues jusqu’à leur reprise qui est intervenue suite à une plainte déposée par le musée BM conjointement avec l’Office fédéral de la culture auprès du Comité intergouvernemental UNESCO.
  • Dans cette affaire, il est intéressant de constater que le musée BM a opté pour la voie de la transparence puisqu’il a annoncé sa possession du masque auprès de l’ICOM et a par la suite contacté la Tanzanie. En vue de la justiciabilité de l’acquisition du masque par le Musée BM, l’initiative du musée BM de contacter les différentes institutions et d’exposer le masque était probablement la meilleure voie à suivre.[15] En effet, dans l’hypothèse d’une poursuite en justice, certains éléments juridiques  (voir ci-dessus chapitre III) auraient pu remettre en question la validité de l’acquisition du masque par le Musée BM. Une entente à l’amiable était visiblement préférable aux deux parties.

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VI. Sources

a. Doctrine

  • Shyllon Folarin, Return of Makonde Mask from Switzerland to Tanzania, in Art Antiquity and Law, vol. 16, n. 1, mai 2011, pp. 79 – 83.

b. Documents

  • Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Rapport du Secrétariat, 16ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 21-23 septembre 2010, CLT-2010/CONF.203/COM.16/2 Rev, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001875/187506F.pdf (consulté le 2 août 2011).
  • Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Rapport du Secrétariat, 15ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 11-13 mai 2009, CLT-2009/CONF.212/COM.15/2, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001822/182210F.pdf (consulté le 2 août 2011).
  • Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Recommandations, 15ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 11-13 mai 2009,CLT-2009/CONF.212/COM.15/8 Rev, recommandation no. 3, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001825/182548F.pdf (consulté le 2 août 2011).
  • « Formulaire type pour les demandes de retour ou de restitution », Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Janvier 1986, disponible en ligne : http://portal.unesco.org/culture/fr/files/24701/11032757403formef.pdf/formef.pdf (consulté le 2 août 2011).

c. Médias

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[1] Dossier de presse de l’ICOM du 10 mai 2010, Masque Makonde - Signature d’un accord pour le don du Masque Makonde au Musée Barbier-Mueller de Genève au Musée national de Tanzanie, disponible en ligne : http://archives.icom.museum/press/MM_Dossierdepresse_fr.pdf (consulté le 2 août 2011).

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Voir Agache Lucie, Le musée Barbier-Mueller rend un masque Makonde à la Tanzanie, in Connaissance des arts, 10 mai 2010, disponible en ligne :  http://www.connaissancedesarts.com/archeologie/actus/breves/le-musee-barbier-mueller-rend-un-masque-makonde-a-la-tanzanie-84322.php (consulté le 2 août 2011).

[6] Cf. Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Rapport du Secrétariat, 15ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 11-13 mai 2009, CLT-2009/CONF.212/COM.15/2, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001822/182210F.pdf (consulté le 2 août 2011).

[7] Voir Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, 15ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 11-13 mai 2009,CLT-2009/CONF.212/COM.15/8 Rev, Recommandations, Recommandation no. 3, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001825/182548F.pdf (consulté le 2 août 2011).

[8] Voir Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Rapport du Secrétariat, 16ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 21-23 septembre 2010, CLT-2010/CONF.203/COM.16/2 Rev, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001875/187506F.pdf (consulté le 2 août 2011), recommandation no.3.

[9] « Formulaire type pour les demandes de retour ou de restitution », Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Janvier 1986, disponible en ligne : http://portal.unesco.org/culture/fr/files/24701/11032757403formef.pdf/formef.pdf (consulté le 2 août 2011).

[10] Voir Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Rapport du Secrétariat, 15ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 11-13 mai 2009, CLT-2009/CONF.212/COM.15/2, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001822/182210F.pdf (consulté le 2 août 2011), recommandation no.3.

 

[11] Voir Comité intergouvernemental pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, Rapport du Secrétariat, 16ème session, Paris, Siège de l'UNESCO, 21-23 septembre 2010, CLT-2010/CONF.203/COM.16/2 Rev, disponible en ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001875/187506F.pdf (consulté le 2 août 2011), recommandation no.3.

[12] Code civil suisse (CC) du 10 décembre 1907, RS 210.

[13] RS 444.1.

[14] Voir Agache Lucie, Le musée Barbier-Mueller rend un masque Makonde à la Tanzanie, in Connaissance des arts, 10 mai 2010, disponible en ligne : http://www.connaissancedesarts.com/archeologie/actus/breves/le-musee-barbier-mueller-rend-un-masque-makonde-a-la-tanzanie-84322.php (consulté le 2 août 2011).

[15] Ibid.

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