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Nature morte au tableau de Picasso – Héritiers Schlesinger et Phillips

En 1925, Ernst Schlesinger lègue à Johanna Meyer-Udewald l’usufruit d’une toile de Picasso (« Nature morte au tableau »). De confession juive, Johanna Meyer-Udewald est faite prisonnière par les Nazis et la toile passe par diverses mains avant d’arriver dans celles de Duncan C. Phillips, qui l’acquiert sans connaître son histoire.

 

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Citation : Laetitia Nicolazzi, Alessandro Chechi, Marc-André Renold, « Affaire Nature morte au tableau de Picasso – Héritiers Schlesinger et Phillips », Plateforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

En 1925, Ernst Schlesinger lègue à Johanna Meyer-Udewald l’usufruit d’une toile de Picasso (« Nature morte au tableau »). De confession juive, Johanna Meyer-Udewald est faite prisonnière par les Nazis et la toile passe par diverses mains avant d’arriver dans celles de Duncan C. Phillips, qui l’acquiert sans connaître son histoire. Cinquante ans plus tard, avec l’aide de l’Art Loss Register, les héritiers d’Ernst Schlesinger et de Duncan C. Phillips signent un accord sur la propriété du tableau dont les termes sont gardés secrets. Suite à cet accord, le tableau a été vendu par Christie’s en 2006.

I. Historique de l’affaire

Spoliations nazies

  • En 1906, Pablo Picasso peint Nature morte au tableau à Gósol, un village espagnol.[1]
  • En 1911, le tableau appartient à la galerie Kahnweiler.
  • En 1913, le collectionneur allemand Franz Kluxen achète le tableau.
  • En 1925, le tableau figure dans la collection d’Ernst Schlesinger.
  • En 1925, Ernst Schlesinger décède et lègue l’usufruit du tableau à l’une de ses amies, le Dr. Johanna Meyer-Udewald sous condition qu’à la mort de cette dernière l’œuvre soit restituée à Käthe Schlesinger, la femme d’Ernst Schlesinger.
  • En 1939, Johanna Meyer-Udewald, de confession juive, quitte l’Allemagne et se réfugie aux Pays-Bas pour fuir les Nazis. Elle prête le tableau au Stedelijk Museum d’Amsterdam pour l’exposition intitulée Parijsche Schilders.
  • En 1940, Johanna Meyer-Udewald émigre en Belgique et se déplace d’un lieu protégé à un autre jusqu’à être faite prisonnière par les Nazis.
  • En 1942, la Nature morte au tableau se trouve entre les mains de Joseph Albert Dederen, un résident bruxellois.
  • Le 20 septembre 1943, Johanna Meyer-Udewald est déportée à Auschwitz où elle décède.[2]
  • En 1950, la toile est en la possession du Dr. Georges Robyn.
  • En 1950, la toile est achetée par la Bolag Gallery de Zürich qui la revend à la Galerie D. Benador de Genève.
  • En 1952, Duncan C. Phillips acquiert le tableau à Genève et l’offre à sa femme Marjorie Acker Phillips.
  • En 1985, à la mort de Marjorie Acker Phillips, son petit-fils Duncan V. Phillips hérite du tableau.
  • En 2002, les héritiers de Johanna Meyer-Udewald contactent l’Art Loss Register (ALR) afin que le tableau soit enregistré dans leur base de données. L’ALR localise l’œuvre dans la collection de Duncan V. Phillips à Chicago. L’ALR retrouve également le testament d’Ernst Schlesinger et contacte les héritiers de ce dernier, véritables légataires du tableau.[3]
  • Entre 2002 et 2006, l’ALR mène une enquête afin de retracer l’histoire du tableau et joue un rôle de médiateur entre les héritiers d’Ernst Schlesinger et Duncan V. Phillips.[4] Les deux parties signent un accord confidentiel relatif à la propriété du tableau.
  • En 2006, le tableau est adjugé par Christie’s à $US 800 000 à New-York.[5]

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II. Processus de résolution

NégociationMédiation (ALR) Accord transactionnel

  • En 2002, les petits neveux de Johanna Meyer-Udewald contactent l’ALR dans le but de faire inscrire dans leur base de données de biens volés la Nature morte au tableau de Picasso qui avait appartenu à leur grand-tante. Comme preuve de propriété, ils apportent une page d’un catalogue relatif à une exposition qui avait eu lieu au Stedelijk Museum à Amsterdam en 1939 et qui précisait que le tableau avait été prêté par un collectionneur privé. Les archives du musée ont permis d’identifier Johanna Meyer-Udewald comme étant le prêteur.[6]
  • L’ALR localisa rapidement le tableau puis mena pendant plusieurs années et dans onze différents pays[7] une enquête pour découvrir comment la toile était arrivée entre les mains de Duncan V. Phillips. Durant cette enquête, l’ALR découvrit le testament d’Ernst Schlesinger qui révéla que les héritiers Meyer-Udewald n’étaient pas les légataires du tableau, leur grand-tante n’ayant reçu que l’usufruit de la toile.[8]
  • L’ALR contacta donc les héritiers d’Ernst Schlesinger et négocia un accord en leur nom et avec le représentant légal de Duncan V. Phillips (Thomas Kline).[9] Ils parvinrent à trouver un accord amiable ; les deux parties souhaitaient éviter d’aller devant la justice et chacune reconnaissait la validité des droits de propriété sur le tableau de l’autre. La négociation s’est déroulée dans le plus grand secret afin d’éviter toute intrusion de la presse. Sarah Jackson, qui était à la tête des recherches de l’ALR, insiste sur le rôle de médiateur qu’a joué son service lors de cette négociation.[10]

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III. Problèmes en droit

Legs – Propriété – Due diligence

  • L’affaire de la Nature morte au tableau de Picasso implique trois familles – la famille Schlesinger, la famille Meyer-Udewald, et la famille Phillips – et les oppose dans un conflit successif de propriété.
  • En 1925, décède Ernst Schlesinger, alors propriétaire du tableau en cause. Par testament, il lègue l’usufruit viager de la toile à son amie Johanna Meyer-Udewald, lui permettant ainsi de jouir de l’usage (l’usus) de la toile sans toutefois lui en transférer la propriété. A la mort de cette dernière, le tableau devait être restitué à  Käthe Schlesinger, légataire du tableau depuis la mort de son époux.
  • Les héritiers de Johanna Meyer-Udewald qui n’avaient pas eu connaissance des termes exacts du testament, pensaient que celle-ci en était la propriétaire. C’est eux qui déclenchèrent l’affaire en demandant à l’ALR d’enregistrer le tableau dans sa base de données. Toutefois, une fois le testament retrouvé, il est devenu clair qu’ils ne pouvaient en aucun cas prétendre à un droit de propriété sur le tableau de Picasso, leur grand-tante n’en ayant jamais été la propriétaire.
  • Le second conflit de propriété oppose les héritiers Schlesinger et Duncan V. Phillips. Les premiers ont été victimes des Nazis qui ont spolié leur bien. Le tableau est ensuite passé par de nombreuses ventes successives avant d’arriver entre les mains de Duncan C. Phillips qui l’offre à son épouse. Son petit-fils, Duncan V. Phillips, en a hérité lors du décès de sa grand-mère.
  • La bonne foi de Duncan C. Phillips ne semble pas avoir été remise en question dans cette affaire[11] : il a acheté la toile à une galerie genevoise en 1952 sans pouvoir soupçonner qu’elle avait été pillée par les Nazis. Toutefois, Duncan V. Phillips, après avoir appris que le tableau en sa possession avait été spolié par les Nazis a accepté de négocier avec les héritiers d’Ernst Schlesinger.

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IV. Résolution du litige

Vente

  • Les héritiers Schlesinger et Phillips ont négocié un accord portant sur la propriété de la Nature morte au tableau de Picasso avec l’aide de l’ARL qui est intervenu en tant que médiateur.
  • Les détails de l’accord sont gardés secrets. La seule information qui a filtré consiste en l’annonce de la mise en vente du tableau par Christie’s et le fait que les parties ont partagé les bénéfices de l’adjudication[12] qui se sont élevés à $US 800 000.[13]
  • Ducan C. Phillips a fait à la presse la déclaration suivante :  « This painting has been very important to me and my family for more than five decades. Nevertheless, I would not want to benefit from it at the cost of another family’s suffering. Our settlement benefits all participants. I will be delighted to see this painting have a clean start in a new home ».[14]

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V. Commentaire

  • L’accord passé entre les héritiers Schlesinger et les héritiers Philips ainsi que la vente du tableau a permis de « laver » la toile de son histoire sombre puisque celle-ci ne pourra désormais plus être considérée comme un tableau pillé par les Nazis et peut être achetée sans risque par un collectionneur ou un musée.
  • Sarah Jackson a salué l’attitude exemplaire des deux parties qui a permis d’arriver à une telle conclusion et considère que cet accord constitue un exemple que suivront de nombreux collectionneurs qui possèdent sans le savoir des œuvres d’art pillées par les Nazis et qui devront faire face à des demandes de restitutions – des « moral claims »[15] selon les termes d’un journaliste – formulées par les familles juives lésées.[16]

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VI. Sources

a. Médias

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[1] La plupart des informations présentes dans cette rubrique proviennent de la page internet de Christie’s http://www.christies.com/lotfinder/LotDetailsPrintable.aspx?intObjectID=4807501 (19.02.2014). Les informations provenant d’autres sources font l’objet de notes de bas de page spécifiques.

[2] Jackson, N. 110.

[3] Jackson, N. 95-102.

[4] Jackson, N. 95-102.

[5] Christie’s web page http://www.christies.com/lotfinder/lot/pablo-picasso-nature-morte-au-tableau-4807501-details.aspx?intObjectID=4807501 (19.02.2014).

[6] Jackson, N. 95-102.

[7] Dovkants, N. 204.

[8] Jackson, N. 95-102.

[9] Baer, P. 3.

[10] Discours de Sarah Jackson prononcé le 30 janvier 2008 à Amsterdam : « […] This is the moment to stress that we do not see ourselves as lawyers in the resolution of claims. The ALR dos, however, play an increasingly active mediation role between claimants and current holders by promoting open and amicable dialogue and sharing views and documentation form each other in a transparent and fair manner, particularly necessary when in most cases, holder and claimant are innocent parties ». (http://www.lootedart.com/web_images/artwork/Sarah%20Jackson%20Speech%20for%20Sothebys%20Symposium%20in%20Amsterdam.doc) (10. 01.2014).

[11] Sarah Jackson, dans son discours prononcé le 20 janvier 2008 à Amsterdam, explique en effet que chaque partie reconnaissait la validité du droit de propriété de l’autre (« […] each side accepted and respected from the outset the validity of the other side’s ownership rights […] »). (http://www.lootedart.com/web_images/artwork/Sarah%20Jackson%20Speech%20for%20Sothebys%20Symposium%20in%20Amsterdam.doc) (10. 01.2014).

[12] Christie’s web page (http://www.christies.com/lotfinder/lot/pablo-picasso-nature-morte-au-tableau-4807501-details.aspx?intObjectID=4807501) (19.02.2014).

[13] Christie’s web page (http://www.christies.com/lotfinder/lot/pablo-picasso-nature-morte-au-tableau-4807501-details.aspx?intObjectID=4807501) (19.02.2014).

[14] Dovkants, N. 235.

[15] Dovkants, N. 5.

[16] « The Phillips family has set a benchmark for other private collectors who unwittingly own works of art tainted by the Holocaust in its readiness to recognize the claim of the heirs of Ernst Schlesinger. The willingness of all sides to agree so swiftly to a settlement on a picture of this importance and without recourse to litigation is encouraging. ». Communiqué de presse de la société Christie’s, Picasso’s still life with portrait to be offered at Christie’s New-York, 27 octobre 2006  (http://www.christies.com/presscenter/pdf/10272006/122459.pdf) (04.01.2014).

 

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