Search by temporal context
Search by type of dispute resolution process
Search by legal issue
Search by adopted solution
Search by type of object
Search by temporal context
Search by type of dispute
resolution process
Search by legal issue
Search by adopted solution
Search by type of object
Personal tools

Ulanen auf dem Marsch – Fondation Max et Iris Stern et Bayerische Staatsgemäldesammlungen

En juin 1936, dans un contexte de montée du nazisme, Max Stern, un galeriste juif, vend l’œuvre d’art intitulée « Ulanen auf dem Marsch ». Cette œuvre d’art est acquise en 1986 par le Bayerische Staatsgemäldesammlungen. La Fondation Max et Iris Stern, représentant les héritiers de Max Stern, demande la restitution de la peinture au musée bavarois par le biais de la « Beratende Kommission ».

 

DOWNLOAD AS PDF – CASE NOTE IN ENGLISH

TELECHARGER LE PDF – AFFAIRE EN FRANCAIS

 

Citation: Anaïs Bayrou, Alessandro Chechi, Marc-André Renold, "Affaire Ulanen auf dem Marsch – Fondation Max et Iris Stern et Bayerische Staatsgemäldesammlungen," Platforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

En juin 1936, dans un contexte de montée du nazisme, Max Stern, un galeriste juif, vend l’œuvre d’art intitulée « Ulanen auf dem Marsch » de Han von Marée. Cette œuvre d’art est acquise en 1986 par le Bayerische Staatsgemäldesammlungen. La Fondation Max et Iris Stern, représentant les héritiers de Max Stern, demande la restitution de la peinture au musée bavarois par le biais de la Commission consultative allemande « Beratende Kommission für die Rückgabe NS-verfolgungsbedingt entzogener Kulturgüter, insbesondere aus jüdischem Besitz ». En août 2019, la Commission consultative recommande la restitution de la peinture aux héritiers de Max Stern.

 

I. Historique de l’affaire

Spoliations nazies – Œuvre d’art

  • 24 juin 1936 : vente de la peinture « Ulanen auf dem Marsch » de Han von Marée par Max Stern à Daniel Wermecke pour le prix de 2’250 RM.
  • 13 septembre 1937 : Max Stern reçoit un décret lui interdisant de faire commerce de biens culturels et lui ordonnant de dissoudre sa galerie avant le 30 septembre 1937 ; par la suite, plus de 228 œuvres sont vendues aux enchères dans le but de liquider son inventaire restant.[1]
  • 1938 : Max Stern fuit l’Allemagne pour partir à Paris puis en Angleterre.
  • 1941 : Max Stern est déporté au Canada.
  • 1986 : acquisition de la peinture « Ulanen auf dem Marsch » par le musée bavarois le Bayerische Staatsgemäldesammlungen.
  • 1987 : mort de Max Stern.
  • 2002 : le projet de restitution des œuvres d’art de Max Stern[2] est lancé[3] ; les héritiers de Max Stern consentent à soumettre une demande à la Commission consultative allemande « Beratende Kommission für die Rückgabe NS-verfolgungsbedingt entzogener Kulturgüter, insbesondere aus jüdischem Besitz »[4] afin d’aboutir à une décision sur le devenir de la peinture « Ulanen auf dem Marsch ».
  • 2019 : la Commission consultative rend sa décision ; le musée bavarois restitue la peinture « Ulanen auf dem Marsch » aux héritiers de Max Stern.[5]

Retour au début

 

II. Processus de résolution

Conciliation – Facilitateur ad hoc

  • Le Bayerische Staatsgemäldesammlungen et les héritiers de Max Stern ont, d’un commun accord,[6] demandé à la Commission consultative « Beratende Kommission für die Rückgabe NS-verfolgungsbedingt entzogener Kulturgüter, insbesondere aus jüdischem Besitz » qu’elle soumette une recommandation sur la restitution de la peinture « Ulanen auf dem Marsch ».
  • La Commission consultative a été crée en 2003 suite à un accord entre le gouvernement fédéral allemand, les Etats fédéraux et des associations municipales, dans le but d’implémenter les « Principes de la Conférence de Washington applicables aux œuvres d’art confisquées par les nazis » (ci-après « Principes de la Conférence de Washington »).[7]
  • Le « Holocaust Claim Processing Office » de New York, rattaché au département des services financiers de l’état de New York, a apporté son soutien à la Fondation Max et Iris Stern en la représentant devant la Commission consultative.[8]
  • La Commission consultative, après avoir revu les faits et les revendications des deux parties, a rendu une recommandation qui prévoit la restitution du tableau sous conditions et a publié à la suite de celle-ci une opinion dissidente minoritaire.

Retour au début

 

III. Problèmes en droit

Propriété

  • La Commission consultative analyse les faits en mettant notamment l’accent sur le contexte dans lequel Max Stern a géré sa galerie d’art et vendu ses tableaux.
  • La galerie, dont il a obtenu la propriété exclusive à la suite du décès de son père en 1934[9], était déjà dotée d’une grande réputation sur le marché de l’art allemand qui n’a fait qu’amplifier. Cependant, la commission rappelle que de nombreuses lois nazies ont été promulguées à partir des années 1933 dans le but d’exclure les juifs de la société ; en particulier les lois de Nuremberg, dont la loi sur la protection du sang allemand et de l’honneur allemand, et la loi sur la citoyenneté du Reich.[10] C’est également en 1933 que la façade de la galerie fût taguée dans le cadre d’actions de boycott des commerces juifs. Il s’ensuivit la création de la « Reichskammer der bildenden Künste »,[11] chambre impériale à laquelle l’adhésion est une condition essentielle à l’exercice d’une profession dans les arts et la culture. La demande d’adhésion de Max Stern à celle-ci essuiera un refus en 1935, auquel il fera appel sans obtenir gain de cause.[12] Un décret lui impose par la suite un délai de trois mois pour vendre sa galerie ainsi que ses 228 œuvres restantes.[13]
  • La problématique principale de la commission fût d’élucider si la vente du tableau « Ulanen auf dem Marsch », vendu par Max Stern à David Wermecke le 24 juin 1936 pour 2’250 RM, s’est faite sous la pression du régime nazi et serait donc assimilée à une vente forcée, ou si elle s’est faite dans le cadre d’activités commerciales ordinaires de la galerie. La commission constate que dès 1933, les marchands d’art juifs se trouvaient dans une situation de persécution. Le musée bavarois ne remet pas en cause la persécution de Max Stern durant la Seconde Guerre Mondiale lors de son exposé des faits mais met en évidence le manque de preuve qui permettrait de constater que la vente ait été directement liée aux persécutions et pressions du régime nazi. Il n’est pas négligeable, selon celui-ci, de constater que les affaires de la galerie étaient rentables jusqu’à sa dissolution. De plus, le prix de vente du tableau ne présente rien de suspect quant au marché à cette époque et rien ne prouve qu’il n’a pas disposé librement du gain de la vente. En effet, c’est l’opinion à laquelle se rallie une minorité de la Commission consultative. Ce manque de preuves, notamment quant au paiement effectué pourrait être lié au fait que le tableau était en dépôt à la galerie et vendu pour le compte d’un propriétaire juif dont les descendants auraient alors une revendication légitime. Max Stern aurait donc pu vendre le tableau en tant que commissionnaire et non en tant que propriétaire, selon l’hypothèse exposée par la fondation.[14]

Retour au début

 

IV. Résolution du litige

Restitution sous conditions

  • Le 19 août 2019 la Commission consultative a rendu une recommandation favorable à la restitution de la peinture aux héritiers de Max Stern sous deux conditions cumulatives.
  • La première condition stipule que la Fondation Stern s’engage à ne pas vendre le tableau dans les dix prochaines années afin qu’il puisse être restitué à une autre partie lésée, au cas où de nouvelles preuves font leur apparition (un propriétaire aurait pu laissé son tableau en consignation à la galerie par exemple).
  • La seconde condition consiste à ce que la Fondation garantisse un accès illimité pendant 10 ans à tous les documents qu’elle possède qui augmenteraient la probabilité que la vente de la peinture aurait eu lieu même en l’absence de l’intervention du régime nazi.[15]
  • Cette recommandation a été adoptée par la majorité[16] de la Commission consultative, mais a fait l’objet d’une opinion dissidente publiée à la suite de celle-ci arguant qu’une solution juste et équitable au sens des Principes de Washington aurait pu être interprétée différemment ; la présomption selon laquelle l’activité commerciale de Max Stern fût affectée par la pression du régime nazi serait une présomption réfragable[17] pouvant être réfutée par la démonstration que le prix n’était pas anormale au marché et que le vendeur a pu en disposer librement, ce qui serait le cas ici.[18]
  • Le musée bavarois a accepté la recommandation de la Commission consultative et a restitué l’œuvre à la fondation Max Stern.[19] De même que la Fondation a accepté les conditions de la restitution alléguant qu’elles sont en phase avec ses pratiques de transparence en matière de règlement des revendications mises en place depuis vingt ans.[20]

Retour au début

 

V. Commentaire

  • On remarque la difficulté de retracer l’entièreté de l’histoire autour de la vente de la peinture de Han von Marée ainsi que de combler les lacunes en émettant des suppositions autour d’un contexte général. En effet, le manque de preuve porte préjudice à l’affaire et ne permet pas d’être certain d’une restitution « juste et équitable » selon les termes des Principes de Washington comme le prouve l’opinion dissidente de la commission.
  • Il semble important de relever que cette affaire permet pour la première fois à la Commission consultative d’assortir la restitution de conditions mais aussi de rendre un avis dissident à l’opinion majoritaire. Ce qui prouve la complexité de l’affaire et le manque de connaissance dans l’histoire de la persécution nazie et leurs mécanismes de dépossession.[21] Cette complexité n’est par ailleurs pas facilitée puisque Max Stern était un marchand d’art, faisant de la vente d’œuvres d’art sa profession et non une victime privée qui s’est fait volé des œuvres auxquelles sont associées des histoires personnelles. Certaines opinions suggèrent qu’on devrait traiter différemment ces deux catégories de personnes et éventuellement qu’une catégorie spécialement dédiées aux acteurs non soumis à la contrainte soit distinguée à travers les principes de Washington.[22]
  • La Commission consultative a recommandé la restitution de la peinture mais l’a assortie de conditions de sorte que, si des preuves surgissent, la solution pourra être adaptée sous réserve qu’elles apparaissent dans les 10 prochaines années. Cette solution qu’on pourrait qualifier de « sur-mesure » paraît adaptée aux problématiques et aux réflexions que l’affaire a soulevées.
  • Il est intéressant de constater que la recommandation de la Commission consultative n’est pas contraignante mais a bien été appliquée puisque le musée bavarois a restitué l’œuvre à la Fondation.[23]
  • Le dénouement de cette affaire permet donc de souligner l’importance des Principes de Washington qui ont légitimé la mise en place de commissions telles que la Commission consultative allemande accordant le choix aux parties de régler leurs litiges d’un commun accord.

Retour au début

 

VI. Sources

a. Doctrine

  • Bracher, Karl Dietrich. Hitler et la dictature allemande : naissance, structure et conséquences du national-socialisme. Editions Complexe, 1995.

b. Documents

  • Beratende Kommission für die Rückgabe NS-verfolgungsbedingt entzogener Kulturgüter, insbesondere aus jüdischem Besitz, « Empfehlung der Beratenden Kommission in der Sache Dr. and Mrs. Max Stern Foundation / Bayerische Staatsgemäldesammlungen », 19 août 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.kulturgutverluste.de/Content/06_Kommission/DE/Empfehlungen/19-08-19-Empfehlung-der-Beratenden-Kommission-im-Fall-Stern-Bayerische-Staatsgemaeldesammlungen.pdf?__blob=publicationFile&v=4.
  • « Rules of procedures of the advisory Commission on the return of cultural property seized as a result of Nazi persecution, especially Jewish property as of 2 November 2016 », preambule.

c. Médias

  • Press office of the Bayerisches Staatsministerium, « Decision of the Advisory Commission on Han von Marées’ « Ulanen auf dem Marsch », 20 octobre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.pinakothek.de/sites/default/files/downloadable/2019-08/PM%20Marees_Uhlans%20on%20the%20March_0.pdf.
  • Herman, Alexander, « Unprecedented Decision of German Nazi-Looted Art Panel », Institute of Art & Law, 8 octobre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://ial.uk.com/unprecedented-decision-of-german-nazi-looted-art-panel/.
  • Arnold, Janice, « Painting’s Restitution Comes with Conditions », The Canadian Jewish News, 16 septembre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.cjnews.com/news/international/paintings-restitution-comes-with-conditions.
  • Press release, New York Department of Financial Services, 12 septembre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.dfs.ny.gov/reports_and_publications/press_releases/pr1909122.
  • Max Stern Art Restitution Project and the Commission for Looted Art in Europe, « Germany’s Looted Art Commission Recommends Return of a Munich Museum Painting to Jewish Dealer’s Heirs », Central Registry of Information on Looted Cultural Property 1933-1945, 10 septembre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.lootedart.com/news.php?r=TU4S0Y107141.
  • Hickley, Catherine, « German Nazi Loot Panel Divided on Max Stern Painting – But Returns It to His Heirs Anyway », The Art Newspaper, 20 août 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.theartnewspaper.com/news/german-nazi-loot-panel-divided-on-max-stern-painting.
  • Fricke, Christiane, « Die Aufarbeitung des Falls « Galerie Max Stern » wird zum Spagat zwischen Recht und Moral », Handelsblatt, 17 avril 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.handelsblatt.com/arts_und_style/kunstmarkt/ns-raubkunst-die-aufarbeitung-des-falls-galerie-max-stern-wird-zum-spagat-zwischen-recht-und-moral/24226500.html?ticket=ST-7655324-xlYOBNohtOUeaYsdEI7x-ap2.
  • World Jewish Congress et l’UNESCO, « Qu’étaient les lois de Nuremberg ? », consulté le 4 décembre 2019 https://aboutholocaust.org/fr/facts/quetaient-les-lois-de-nuremberg/.
  • Concordia University, Max Stern Art Restitution Project, consulté le 18 décembre 2019 https://www.concordia.ca/arts/max-stern/recovered-works.html.

Retour au début

 

[1] Beratende Kommission für die Rückgabe NS-verfolgungsbedingt entzogener Kulturgüter, insbesondere aus jüdischem Besitz, « Empfehlung der Beratenden Kommission in der Sache Dr. and Mrs. Max Stern Foundation / Bayerische Staatsgemäldesammlungen » (ci-après « Sache Dr. and Mrs. Max Stern Foundation / Bayerische Staatsgemäldesammlungen »), p. 3.

[2] Basé à l’université de Condordia ; le projet comprend cette même université ainsi que l’université de McGill et l’université hébraïque de Jérusalem en tant qu’héritières principales de la succession de Max Stern et bénéficiaires de la Fondation Iris et Max Stern.

[3] Arnold, « Painting’s Restitution Comes with Conditions ».

[4] Voir: https://www.beratende-kommission.de/Webs_BK/EN/Start/Index.html.

[5] Concordia University, Max Stern Art Restitution Project, consulté le 18 décembre 2019 https://www.concordia.ca/arts/max-stern/recovered-works.html.

[6] Conformément au paragraphe 1 de la section 3 des règles de procédure de la commission consultative, le consentement des deux parties à la médiation est une condition essentielle à l’acceptation de la requête.

[7] Voir le préambule des « Rules of procedures of the advisory Commission on the return of cultural property seized as a result of Nazi persecution, especially Jewish property as of 2 November 2016 », et https://www.beratende-kommission.de/Webs_BK/EN/Start/Index.html.

[8] Press release, New York Department of Financial Services, 12 septembre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.dfs.ny.gov/reports_and_publications/press_releases/pr1909122.

[9] Arnold, « Painting’s Restitution Comes with Conditions ».

[10] World Jewish Congress et l’UNESCO, « Qu’étaient les lois de Nuremberg ? », consulté le 4 décembre 2019 https://aboutholocaust.org/fr/facts/quetaient-les-lois-de-nuremberg/.

[11] La « Gleichschaltung », instaurée par la « Chambre culturelle du Reich » (« Reichskulturkammer ») rend obligatoire l’adhésion à une institution (« Reichskammer der bildenden Künste ») consacrée à la surveillance et à la censure dont le rejet de la candidature ou son exclusion vise à porter préjudice aux juifs exerçant une profession dans les arts et la culture. Bracher, Karl Dietrich. Hitler et la dictature allemande : naissance, structure et conséquences du national-socialisme. Editions Complexe, 199. 

[12] Herman, « Unprecedented Decision of German Nazi-Looted Art Panel ».

[13] Sache Dr. and Mrs. Max Stern Foundation / Bayerische Staatsgemäldesammlungen, p. 3.

[14] Ibid, p. 6.

[15] Ibid, p. 2.

[16] Selon le paragraphe 2 de la section 6 des règles de procédure de la Commission consultative, une recommandation par la commission doit être adoptée par une majorité des deux-tiers des membres de la commission.

[17] Sache Dr. and Mrs. Max Stern Foundation / Bayerische Staatsgemäldesammlungen, pp. 10-11.

[18] Herman, « Unprecedented Decision of German Nazi-Looted Art Panel ».

[19] Sache Dr. and Mrs. Max Stern Foundation / Bayerische Staatsgemäldesammlungen, p. 1.

[20] Max Stern Art Restitution Project and the Commission for Looted Art in Europe, « Germany’s Looted Art Commission Recommends Return of a Munich Museum Painting to Jewish Dealer’s Heirs », Central Registry of Information on Looted Cultural Property 1933-1945, 10 septembre 2019, consulté le 4 décembre 2019, https://www.lootedart.com/news.php?r=TU4S0Y107141.

[21] Hickley, « German Nazi Loot Panel Divided on Max Stern Painting – But Returns It to His Heirs Anyway ».

[22] Fricke, « Die Aufarbeitung des Falls ‚Galerie Max Stern‘ wird zum Spagat zwischen Recht und Moral ».

[23] Press office of the Bayerisches Staatsministerium, « Decision of the Advisory Commission on Han von Marées’ « Ulanen auf dem Marsch ».

 

Retour au début

Document Actions