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Stèles historiques – Galerie d’art c. Italie

En 1980, des stèles historiques sont remises par la Suisse à l’Italie dans le cadre d’une procédure pénale ouverte en Italie. Une Galerie d’art suisse introduit une action en Suisse pour récupérer les stèles historiques. L’Italie se prévaut de son immunité de juridiction.

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Citation : Raphael Contel, Alessandro Chechi, Marc-André Renold, « Affaire Stèles historiques – Galerie d’art c. Italie », Plateforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

 

En 1980, des stèles historiques sont remises par la Suisse à l’Italie dans le cadre d’une procédure pénale ouverte en Italie. Une Galerie d’art suisse introduit une action en Suisse pour récupérer les stèles historiques. L’Italie se prévaut de son immunité de juridiction. Le Tribunal fédéral suisse admet à titre préjudiciel l’immunité de l’Italie. Les stèles historiques sont depuis lors restées en Italie.

 

I. Historique de l’affaire

Demandes de restitution post 1970

 

  • Le 31 décembre 1974, des stèles historiques sont importées définitivement en Suisse depuis l’Italie.
  • Le 5 octobre 1976, ces stèles historiques sont mises sous séquestre provisoire par l’administration des douanes suisses.
  • Au début de 1978, elles sont entreposées à Bâle.
  • Le 10 janvier 1979, la mise sous séquestre définitive est prononcée.
  • En août 1980, dans le cadre d’une procédure pénale ouverte en Italie, l’Italie demande l’entraide pénale internationale à la Suisse. La Suisse accorde l’entraide et remet les stèles historiques en tant que moyens de preuve à l’Italie à condition que l’Italie les retourne une fois la procédure pénale italienne clause.
  • Depuis l’année 1980, les stèles historiques sont en Italie.
  • Le 23 novembre 1982, la Galerie d’art suisse en possession des stèles historiques avant leur séquestre introduit une action en restitution auprès des tribunaux bâlois. Le Tribunal de première instance rejette l’action au motif que l’Italie ne détient pas la légitimité passive en raison de son immunité.
  • Le 11 mai 1984, la Cour d’Appel du Canton de Bâle annule le jugement et renvoi la cause au Tribunal de première instance. L’Italie fait recours auprès du Tribunal fédéral suisse.
  • Le 6 février 1985, le Tribunal fédéral déclare que l’Italie peut se prévaloir de son immunité de juridiction pour empêcher l’action ouverte à son encontre.

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II. Processus de résolution

Action en justice – Décision judiciaire

 

  • Les stèles historiques ont été transmises par les autorités suisses à l’Italie dans le cadre d’une procédure pénale ouverte en Italie sur la base de la Convention européenne 1959 d’entraide judiciaire en matière pénale (Convention européenne 1959).
  • La Galerie d’art suisse en possession des stèles historiques au moment du séquestre intente une action en revendication à Bâle pour récupérer les stèles. La Galerie d’art est déboutée au motif que l’Italie ne peut pas être attraite devant les tribunaux suisses pour des actes qui relèvent de sa puissance publique (jure imperii).

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III. Problèmes en droit

 

Immunité des Etats – Applicabilité du droit public étranger – Limites procédurales

  • Aucune Convention internationale en matière d’immunité des Etats n’étant applicable entre les parties à l’époque des faits, le Tribunal fédéral a rendu sa décision en se fondant sur le droit international coutumier. Selon le Tribunal fédéral, il ne fait aucun doute qu’un Etat bénéficie de l’immunité de juridiction pour les actes relevant de sa puissance publique (jure imperii). Tel n’est en revanche pas le cas si l’objet du litige relève d’un rapport de droit privé (jure gestionis). Selon le Tribunal fédéral le critère qui permet de distinguer entre actes jure imperii et jure gestionis est la nature du droit revendiqué par l’Etat étranger.
  • L’immunité de juridiction doit être examinée à titre préjudiciel. Il ne faut donc pas établir l’existence matérielle du droit mais uniquement la nature du droit revendiqué. Il n’est donc pas question ici d’application stricto sensu du droit public étranger.
  • En l’espèce, l’Italie se fonde sur sa législation de droit public protégeant les objets ayant une valeur historique et archéologique. Le Tribunal fédéral reconnaît donc l’immunité de juridiction de l’Italie.

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IV. Résolution du litige

 

Rejet de la demande

  • La Galerie d’art suisse est déboutée et doit introduire une demande en Italie. Les autorités administratives suisses compétentes peuvent aussi exiger la restitution des stèles historiques à l’Italie sur la base de l’art. 6 al. 2 de la Convention européenne 1959 : « Les objets, ainsi que les originaux des dossiers et documents, qui auront été communiqués en exécution d’une commission rogatoire, seront renvoyés aussitôt que possible par la Partie requérante à la Partie requise, à moins que celle-ci n’y renonce ».

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V. Commentaire

 

  • Deux arguments principaux ont été opposé à la reconnaissance de l’immunité de juridiction de l’Etat italien : l’application du droit public étranger et l’inexécution de son obligation de restitution en vertu de l’art 6 al. 2 de la Convention européenne 1959.
  • Il peut être reproché à l’Italie d’avoir manœuvré pour se retrouver défendeur plutôt que demandeur à l’action et d’être parvenu par ce biais à faire ainsi reconnaître son droit public de protection des biens culturels. En effet, si l’Italie avait introduit une action en revendication à l’encontre de la Galerie d’art, elle aurait dû en principe établir son droit de propriété sur la base de sa législation de droit public et montrer que la Galerie n’avait pas respecté, par exemple, son obligation de diligence lors de l’acquisition. En obtenant la restitution des stèles historiques par le biais de l’entraide judiciaire en matière pénale et en conservant celles-ci, l’Etat italien a obligé la Galerie d’art (possesseur antérieur) à introduire une action en revendication en Suisse, mais sans succès, car l’Italie a pu faire valoir son immunité de juridiction fondée sur sa législation publique de protection des biens culturels. Bien que le droit public italien n’ait pas été appliqué matériellement quant au fond du litige, car c’est seulement à titre préjudiciel que le Tribunal fédéral a examiné la nature du droit revendiqué (question de procédure), il faut bien reconnaître que l’Italie a pu de facto obtenir les stèles historiques qui ne sont protégées qu’en vertu de son propre droit public.
  • Selon l’art. 6 al. 2 de la Convention européenne 1959, les objets, ainsi que les originaux des dossiers et documents, qui auront été communiqués en exécution d’une commission rogatoire, seront renvoyés aussitôt que possible par la partie requérante à la partie requise, à moins que celle-ci n’y renonce. En l’espèce, l’Italie n’a jamais procédé à la restitution des stèles historiques. La Cour d’Appel de Bâle a refusé d’accorder l’immunité de juridiction à l’Italie en estimant que le comportement de l’Italie avait été « incorrect ». Le Tribunal fédéral n’a pas admis cette argumentation en relevant que la Cour d’Appel avait omis d’examiner si la procédure pénale en Italie avait été close entre-temps. De plus, le Tribunal fédéral estime qu’on ne peut admettre une violation de l’art. 6 al. 2 de la Convention 1959 que si l’Etat requérant a été mis en demeure par l’Etat requis et si un délai a été fixé pour restituer les objets. En l’espèce, les autorités suisses compétentes n’ont ni mis en demeure l’Italie ni, cas échéant, fixé un délai.
  • Cet arrêt du Tribunal fédéral soulève la question du moyen de l’entraide pénale internationale pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Il semble non seulement que ce moyen soit quantitativement très utilisé en Suisse mais qu’il est de plus probablement le plus efficace,[1] ce d’autant que la loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC; RS 444.1) a renforcé, semble-t-il, ce dispositif grâce notamment à l’insertion de dispositions pénales spéciales (art. 24 et 25 LTBC) qui permettent de soulever l’obstacle de la double punissabilité.
  • On peut se demander si cette voie « discrète » de restitution de biens culturels est opportune et qu’elles en sont les limites ?

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VI. Sources

a. Doctrine

  • Bomio Giorgio, L’entraide internationale et les biens culturels, in : « L’entraide judiciaire internationale dans le domaine des biens culturels », Etudes en droit de l’art, Schulthess 2011, vol. 20, p. 23 ss.
  • Bomio Gorgio, Le rôle de l’entraide pénale internationale dans le domaine des biens culturels, in : « Criminalité, blanchiment et nouvelles réglementations en matière de transfert de biens culturels », Etudes en droit de l’art, Schulthess 2006, vol. 17, p. 101 ss.

b. Décisions judicaires

  • Tribunal fédéral suisse, jugement Etat italien contre X. et Cour d’Appel du Canton de Bâle, 6 février 1985, ATF 111 Ia 52 = SJ 1985 624 = Annuaire suisse de droit international 1986 60.
  • Appellationsgerichts des Kantons Basel-Stadt, jugement Galerie d’art contre Etat italien, 11 mai 1984 (non publié).

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[1] Le Tribunal fédéral suisse a rendu des arrêts importants en la matière, notamment : Restitution de biens culturels sans procédure formelle de confiscation dans l’Etat requérant (ATF 123 II 134 ; voir aussi ATF 123 II 595) ; Restitution non admise de bien culturels (plus de 300 biens archéologiques) sur la base d’une décision de confiscation dans l’Etat requérant (ATF 123 II 268) ; Remise de biens culturels dans le cadre de la délégation de la poursuite pénale (suite de l’affaire relative à l’ATF 123 II 268, ATF du 26 avril 2000, 1A.117/2000) ; Remise de biens culturels en tant que moyens de preuve (ATF du 12 novembre 2007, 1A.47/2007). Voir Bomio Giorgio, L’entraide internationale et les biens culturels, in : « L’entraide judiciaire internationale dans le domaine des biens culturels », Etudes en droit de l’art, Schulthess 2011, vol. 20, p. 23 ss. et du même auteur, Le rôle de l'entraide pénale internationale dans le domaine des biens culturels, in : « Criminalité, blanchiment et nouvelles réglementations en matière de transfert de biens culturels », Etudes en droit de l’art, Schulthess 2006, vol. 17, p. 101 ss.

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