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Évaluer la qualité de la recherche en sciences de l’éducation

David BRIDGES (Université de Cambridge, Royaume-Uni ; d.bridges@uea.ac.uk)

Cet exposé commence par une affirmation : la recherche en éducation n’est pas simplement constituée comme une discipline unique ou une forme d’investigation unique, mais bien plus comme un domaine de politiques et de pratiques auquel s’appliquent de nombreuses formes d’investigation (« les sciences de l’éducation »). Certains – et notamment ceux concernés par la qualité de la recherche et son évaluation – y voient un problème. Mais est-ce bien un problème ? Est-il nécessaire d’en faire un problème ?

Une réponse possible au « problème » est de légiférer de manière à limiter la gamme de recherches censées être de qualité à un type restreint de recherches : aux éléments (quasi) « scientifiques » en termes de méthodologie, à la mesure-étalon des essais contrôlés randomisés, aux critères aptes à répondre à la question « qu’est-ce qui fonctionne ? » basée sur le modèle de la science médicale. Ainsi la qualité serait donc exclusivement définie en référence aux exigences de ces approches méthodologiques. Mais un tel concept représente un ensemble arbitraire autant qu’intolérable d’exclusions de formes de recherche – mentionnons notamment l’histoire, la biographie, l’ethnographie, la philosophie, la théorie critique – toutes largement légitimées, au niveau académique autant que social. De fait, c’est bien leur enracinement dans les communautés académiques (c’est-à-dire au-delà du domaine des sciences de l’éducation à proprement parler) qui offre les mesures et les garanties de leur qualité. De quelle autre manière – à part ces exclusions pour le moins radicales – pouvons-nous approcher la qualité de la recherche dans l’enseignement et son évaluation ?

Cet exposé s’appuie sur l’expérience de l’auteur en qualité d’évaluateur dans le cadre des deux Research Assessment Exercises (évaluations de la recherche) effectués en 2001 et en 2008 au Royaume-Uni (de même que sur les recherches ultérieures du Higher Education Funding Council) et au sein du projet European Educational Research Quality Indicators visant à explorer les approches actuelles de cette tâche.

Il examinera le type de critères de qualité génériques qui ont été utilisés lors de l’évaluation de la qualité de la recherche au Royaume-Uni (originalité, rigueur, importance), les critères additionnels utilisés par l’EERQI (intégrité et style) et les caractères proposés dans d’autres contextes et débats (par ex. l’« international » et l’« impact ») tout en analysant les problèmes et les possibilités liés à l’utilisation de tels critères comme base de jugement dans l’évaluation académique de textes.

Toutefois, la tendance actuelle va au remplacement de tels jugements (par ex. tels qu’ils sont utilisés dans les évaluations de pairs) par des méthodes quantitatives plus « scientifiques » – ou « sciento-scientifiques » ? – (par ex. les indices de citation ou le décompte des téléchargements) et par des éléments ou textes lisibles machinalement (ceci comprenant le lieu de publication et les traits sémantiques du texte). On pourra contester que de telles approches manquent de fiabilité comme de validité (et aussi de crédibilité, pour autant que l’expérience au Royaume-Uni soit déterminante), et risquent de fausser le comportement académique de toutes sortes de manières indésirables, sans compter qu’elles risquent de retirer l’évaluation de la qualité des mains de la communauté universitaire pour la placer dans celles des bureaucrates.

Cette conférence se termine en affirmant que l’évaluation de la qualité de la recherche est essentiellement un exercice de connaisseur (Eisner) quoique régi par des procédures de fiabilité élémentaires et présenté au moyen de formes de critiques publiquement acceptables contribuant autant à la fiabilité d’une telle évaluation qu’à la responsabilisation des évaluateurs.