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Quatre momies – Chili et Personne privée

Le 20 janvier 2011, un particulier restitue quatre momies vieilles de 4000 à 6000 ans au Chili. Des représentants du Chili, des responsables du Musée d’Ethnographie de la Ville de Genève et le Service spécialisé de l’Office fédéral de la culture ont joué un rôle déterminant dans cette affaire.

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Citation : Raphael Contel, Anne Laure Bandle, Marc-André Renold, « Affaire Quatre momies – Chili et Personne privée », Plateforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

Le 20 janvier 2011, un particulier restitue quatre momies vieilles de 4000 à 6000 ans au Chili. Des représentants du Chili, des responsables du Musée d’Ethnographie de la Ville de Genève et le Service spécialisé de l’Office fédéral de la culture ont joué un rôle déterminant dans cette affaire.

I. Historique de l’affaire

Demandes en restitution post 1970

  • En 2007, le Musée d’Ethnographie de Genève (MEG) est contacté par un privé qui veut vendre une collection de restes humains. A savoir, plusieurs momies, plusieurs têtes de momies et deux individus desséchés portant des vêtements militaires du XIXème. Le MEG décline l’offre et tente de dissuader le vendeur.
  • En 2008, le même privé propose la donation de la collection. Le MEG évalue la proposition. Les restes ne présentent pas d’intérêt scientifique (notamment parce que le contexte est inconnu) et se trouvent dans un très mauvais état de conservation. Par ailleurs, le MEG développe une nouvelle politique d’acquisition des collections centrée sur le développement durable et l’éthique[1]. De plus, le MEG est engagé dans une coopération importante avec le Chili et le Pérou.
  • Le MEG tente de mettre en rapport le propriétaire des restes et les missions diplomatiques du Chili et du Pérou sans résultat.
  • En dernier recours semble-t-il, le propriétaire propose la mise en dépôt au MEG.
  • En 2009, à la suite du refus du dépôt par le MEG, le MEG informe le chef du service spécialisé de l’Office fédéral de la culture (OFC) de l’affaire. Ce dernier intervient auprès des ambassades concernées.
  • L’OFC mandate, par ailleurs, l’archéologue Léonid Velarde, sur proposition du MEG, pour dresser un rapport sur la collection.
  • Les ambassades s’intéressent à l’affaire ainsi que des experts et des archéologues. Deux archéologues, représentantes officielles du Chili, sont envoyées en Suisse afin d’examiner le cas pendant deux jours.
  • Sur la base du rapport des archéologues, seules 4 momies sur l’ensemble des restes présentent un intérêt : les momies les plus complètes et qui datent d’environ 5000 av. J.-C.
  • Le MEG organise la conservation et le retour.
  • Le 20 janvier 2011, une cérémonie autour de la remise symbolique est organisée.
  • Les autres objets sont dans un état épouvantable. Il est décidé des les inhumer à Genève. Cette action est sans précédent et rencontre des difficultés administratives (certificat de décès, constat de la mort par un médecin légal, autorisations d’incinération et/ou d’inhumation, etc.).
  • L’OFC se charge des démarches juridiques et administratives autres, tels que l’obtention des certificats d’exportation nécessaires.

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II. Processus de résolution

Négociation – Facilitateur ad hoc (Office fédérale de la culture, Musée d’Ethnographie de Genève)

  • En effectuant des démarches auprès du musée (expertise et intérêt du musée pour les momies), le collectionneur a engagé le processus de résolution. Il aurait pu décider de se débarrasser des momies. Le MEG, dont la mission muséale postule une garantie de conservation et de protection du patrimoine culturel, a probablement empêché une telle action de se produire par son intervention et ses conseils. Par ailleurs, les motivations du collectionneur, autant d’achat, de collection et de vente/donation demeurent en partie confidentielles. Le MEG a pu, par la suite, jouer un rôle d’intermédiaire entre la personne privée et les autorités politiques.
  • Le service spécialisé de l’OFC et l’ambassade du Chili ont été des intervenants déterminants dans l’accélération du processus de résolution et la création d’une solution concrète pour les momies.

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III. Problèmes en droit

Propriété

  • La provenance exacte des momies et les circonstances entourant leur acquisition par la personne privée demeurent en partie confidentielles. Cependant, d’un point de vue strictement juridique, le titre de propriété de la personne privée aurait pu être valable car selon la loi suisse, un acquéreur de bonne foi d’un objet devient propriétaire après un délai de cinq ans (art. 728 Code Civil, CC). La personne privée a acquiert les momies il y a une vingtaine d’années[2]. Il est important de noter que ce délai est désormais de 30 ans pour les biens culturels (art. 728 al.1ter CC) à la suite du changement apporté par la loi fédérale sur le transfert des biens culturels (LTBC).
  • Par ailleurs, une demande de restitution pour violation de la législation chilienne relative à l’exportation n’aurait pas eu de succès non plus : la LTBC s’applique aux transferts faits après l’entrée en vigueur de la loi (1er juin 2005 ; art. 33 LTBC). En outre, une telle demande nécessite un accord conclu auparavant entre les pays concernés (art. 7 LTBC)[3]. Or, un accord avec le Chili dans le cadre de la LTBC n’existait pas.

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IV. Résolution du litige

Restitution sans condition

  • Suite à l’intervention du MEG et de l’OFC, la personne privée a décidé de restituer volontairement et sans contrepartie les momies au Chili.

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V. Commentaire

  • Il faut souligner le rôle original et exemplaire du MEG dans cette affaire qui officie comme intermédiaire en raison notamment de la valeur patrimoniale des biens culturels et du risque de destruction. La dimension éthique, en relation avec des restes humains, est aussi renforcée.
  • Le MEG met donc à disposition sa compétence, ses relations, pour aider un particulier à trouver des solutions. On assiste très probablement ici à un changement de paradigme pour les musées. Le MEG n’est cependant très certainement pas un vigile, un enquêteur ou encore un moralisateur. Il met avant tout à disposition un soutien technique.
  • Le MEG développe aussi un réseau de collaborations internationales et des programmes avec les pays « sources » (musées, universités, etc., comités scientifiques). Cette collaboration s’inscrit dans le cadre général des bonnes pratiques en vue de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine.
  • Cette affaire permet d’appréhender une différence de fond importante entre l’éthique et la morale (qui va souvent de pair avec un sentiment de culpabilité et des orientations politiques particulières, facilitant aussi les intérêts corporatistes notamment via la figure du « scandale »). Le code de déontologie, quant à lui, relève plutôt d’une méthodologie relative aux usages qui autorise la conciliation des intérêts.
  • La propriété d’une collection pour un Musée est encore aujourd’hui très certainement un besoin. Néanmoins, en raison du cadre éthique et législatif, il est nécessaire de collaborer (échange, prêt).

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VI. Sources

a. Documents

b. Médias

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[1] Voir Politique d’acquisition du MEG (http://www.ville-ge.ch/meg/pdf/politique_acquisition.pdf) (consulté le 20 janvier 2011).

[2] Wolf Laurent, Quatre momies millénaires rendues au Chili, in Le Temps, 20 janvier 2011, disponible en ligne : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/7a4e5126-2414-11e0-966d-7e07ae9483e3/Quatre_momies_mill%C3%A9naires_rendues_au_Chili (consulté le 20 janvier 2011).

[3] La loi fédérale du 20 juin 2003 sur le transfert des biens culturels, disponible en ligne : http://www.admin.ch (consulté le 20 janvier 2011).

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