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Obélisque d’Axoum – Italie et Ethiopie

En 1937, Mussolini ordonne l’enlèvement de l’obélisque d’Axoum et son transport en Italie. Il faudra attendre 2007 pour que l’obélisque retrouve le site d’Axoum.

 

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Citation: Raphael Contel, Alessandro Chechi, Marc-André Renold, «Affaire Obélisque d’Axoum – Italie et Ethiopie», Plateforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

En 1937, Mussolini ordonne l’enlèvement de l’obélisque d’Axoum et son transport en Italie. Il faudra attendre 2007 pour que l’obélisque retrouve le site d’Axoum.

I. Historique de l’affaire

Butins de guerre – Colonialisme

  • En 1937, ensuite de l’annexion de l’Ethiopie par l’Italie, le second obélisque le plus massif d’Axoum est enlevé par les forces armées italiennes et transporté par route puis par bateau en Italie. L’Obélisque, brisé en cinq morceaux et âgé environ de 1700 ans, pèse 150 tonnes et mesure 24 mètres de long.
  • Le 31 octobre 1937, le régime fasciste de Mussolini inaugure l’érection de l’obélisque sur la Piazza di Porta Capena à Rome.
  • Le 10 février 1947 est conclu un Traité de Paix entre l’Italie et les Puissances Alliées et Associées (dont fait notamment partie l’Ethiopie). Selon l’art. 37 du Traité « dans un délai de dix-huit mois à compter de l’entrée en vigueur du présent Traité, l’Italie restituera toutes les œuvres d’art, tous objets religieux, archives et objets de valeur historique, appartenant à l’Ethiopie ou à ses ressortissants, et transportés d’Ethiopie en Italie depuis le 3 octobre 1935 ».
  • Le 5 mars 1956 est signé à Adis Abeba un accord concernant le règlement des questions économiques et financières découlant du Traité de Paix de 1947 et la collaboration économique entre l’Ethiopie et l’Italie. Trois annexes à l’accord font état de la mise en œuvre de l’art. 37 du Traité de Paix (objets déjà rendus, objets à rendre s’ils sont retrouvés et obélisque d’Axoum). En l’annexe C, l’Italie reconnait que le grand obélisque d'Axoum, actuellement érigé à Rome, doit être restitué à l'Ethiopie.
  • Le 4 mars 1997, l’Ethiopie et l’Italie ont signé une déclaration conjointe sur le retour de l’obélisque d’Axoum.
  • Le 18 novembre 2004, l’Ethiopie et l’Italie ont signé un protocole d’accord relatif à la restitution de l’obélisque.
  • En avril 2005, l’obélisque a été transporté à Axoum avec des avions Antonov (les plus gros avions cargos disponibles).
  • En juin 2007, les travaux de remise en place de l’obélisque ont débuté.

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II. Processus de résolution

Négociation – Voie diplomatique

  • Négociation de la prise en charge du transport de l’obélisque par l’Italie et ceci jusqu’à Axoum ainsi que de son érection, y compris les frais relatifs à l’opération.
  • Négociation d’un contrat aux fins d’exécution de la remise en place de l’obélisque par une entreprise de construction italienne. Ce contrat est conclu entre le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO et l’entreprise italienne. Néanmoins, le financement est assuré par l’Italie grâce à une contribution extraordinaire au budget de l’UNESCO.

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III. Problèmes en droit

Responsabilité internationale des Etats

  • L’appropriation de l’obélisque par l’Italie peut-elle être considérée comme illégale ? En d’autres termes, cette appropriation est-elle constitutive de la violation d’une règle de droit international ? Si oui, qu’elle en est la sanction ?
  • Bien que l’Italie soit Partie au moment des faits à la Convention (II) de La Haye de 1899 qui interdit expressément le pillage (art. 47 de l’Annexe) et toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de monuments historiques, d’œuvres d’art et de science (art. 50 de l’Annexe), tel n’est pas le cas de l’Ethiopie. L’Ethiopie est Partie (mais pas l’Italie) à la Convention (IV) de La Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre qui reprend à l’identique les articles 47 et 56 de l’Annexe de la Convention (II). Il ressort expressément de l’art. 2 de ladite Convention (IV) que celle-ci ne s’applique qu’entre Parties contractantes. On peut néanmoins encore alléguer que l’interdiction de saisir des biens culturels en cas de conflit armé relève d’une coutume de droit international. Quoiqu’il en soit, la qualification juridique de l’annexion de l’Ethiopie par l’Italie est problématique, à savoir si les conditions d’application des règles relatives aux conflits armés sont remplies (y compris celles relatives à l’occupation) ou au contraire si l’Etat italien a valablement succédé à l’Etat Ethiopien (le 9 mai 1936, Benito Mussolini proclame le roi d’Italie Victor-Emmanuel III nouvel Empereur d’Éthiopie). La Société des Nations a considéré que l’invasion italienne était illégale et contrevenait à l’art. 12 de ses statuts. Partant, il est possible de considérer que la prise de l’obélisque est aussi illégale.
  • Le mécanisme juridique, qui voudrait associer à la règle violée (conventionnelle ou coutumière) l’obligation de réparation (en l’espèce le retour du bien culturel), est distendu par les événements de la seconde guerre mondiale. En effet, c’est au nom du Traité de Paix de 1947 que l’Italie est sommée en vertu de l’art. 37 du Traité « dans un délai de dix-huit mois [de restituer] toutes œuvres d’art, tous objets religieux, archives et objets de valeur historique, appartenant à l’Ethiopie ou à ses ressortissants, et transportés d’Ethiopie en Italie depuis le 3 octobre 1935 ».
  • Néanmoins, il faudra différents instruments de droit international public et de droit privé pour que cette obligation puisse être mise en œuvre et exécutée.

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IV. Résolution du litige

Restitution sans condition

  • Un premier traité bilatéral entre l’Ethiopie et l’Italie (Traité du 5 mars 1956) permettra de régler plus en détail les restitutions de biens culturels et notamment le cas de l’obélisque d’Axoum (Annexe C) : « Reconnaissant qu’il doit être restitué à l’Ethiopie, le Gouvernement italien s’engage à desceller le grand obélisque d'Axoum, actuellement érigé à Rome, et à en assurer le transport f.o.b. à Naples en vue de son transfert en Ethiopie. Le descellement et le transport f.o.b. à Naples devront être terminés dans un délai de six mois à dater de l’entrée en vigueur de l’Accord dont le présent document constitue l’annexe C. Les frais de l’opération seront à la charge du Gouvernement italien qui prendra les mesures nécessaires pour que ledit obélisque soit livré f.o.b. à Naples avec l’armature et l’emballage nécessaires pour pouvoir être acheminé vers l’Ethiopie ». Au titre de cette Annexe C, les obligations de l’Italie s’étendent à la remise de l’obélisque à Naples et aux frais consécutifs à cette remise napolitaine.
  • Le 4 mars 1997, une déclaration conjointe des deux Etats est signée qui annonce, notamment, que la délégation éthiopienne se félicite de la volonté de l’Italie d’assumer la responsabilité du retour de l’obélisque à Axoum.
  • Un protocole d’accord est signé le 18 novembre 2004 dont la teneur est la suivante : « Le Gouvernement italien transportera les trois sections de l’obélisque d’Axoum d’Italie en Éthiopie. Il veillera également à ce que le transport par voie aérienne des trois sections de l’obélisque de l’aéroport de Fiumicino jusqu’à l’aéroport d’Axoum soit effectué dans les meilleures conditions de sécurité (article I). Le Gouvernement italien sera responsable de toutes les opérations liées au déchargement des trois sections de l’obélisque de l’avion à l’aéroport d’Axoum (article II). Le Gouvernement italien s’engage à financer la remise en place et la restauration de l’obélisque au site archéologique Axoum, qui seront exécutées par l’UNESCO avec l’assistance technique d’experts italiens en collaboration avec la partie éthiopienne (article VI). » Le protocole d’accord met à charge de l’Italie l’entier des frais et le rapatriement de l’obélisque. La responsabilité de l’Italie est même étendue puisque celle-ci assume aussi l’érection de l’obélisque alors qu’il se trouvait au sol lors de la saisie. L’accord prévoit aussi l’intervention de l’UNESCO. Ce qui peut s’expliquer par l’inscription du site d’Axoum au patrimoine mondial de l’humanité déjà en 1980.
  • Un contrat de droit privé est conclu entre l’entreprise de construction italienne et l’UNESCO. Le financement de l’opération est néanmoins assumé par l’Italie via une contribution extraordinaire au budget de l’UNESCO.

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V. Commentaire

  • L’obligation de retour à charge de l’Italie de l’obélisque à Axoum est-elle fondée sur une obligation de droit international coutumier ou sur la mise en œuvre du Traité de Paix de 1947 ? Quoiqu’il en soit de la résolution en droit de la problématique, l’historique de l’affaire montre le processus complexe comme la lenteur (nécessaire) à la cristallisation d’une solution acceptable aujourd’hui. Il semble même que l’Empereur Hailé Selassié ait consenti à échanger l’obélisque, sous forme de don, contre un hôpital dans les années 1970[1].
  • L’obélisque est un bien culturel exceptionnel à plus d’un titre. Mais dans la perspective du retour, il ne faudrait pas sous-estimer les conditions techniques extraordinaires qui ont été nécessaires pour réussir le retour et leurs corollaires : le coût des opérations.
  • La reconnaissance de l’importance de l’obélisque pour l’Ethiopie par l’Italie n’est pas évidente. En effet, le retour n’est pas simplement imposé par le Traité de Paix de 1947 mais aussi assumé par le truchement de la valeur culturelle d’un bien pour un peuple. Elle semble d’ailleurs un pré requis quant à toute négociation sur la propriété d’un bien culturel. Enfin, l’inscription d’Axoum sur la liste du patrimoine mondial est aussi très certainement un facteur important pour la création d’un contexte favorable au retour. L’Italie ne retourne pas seulement un bien culturel illégalement emporté, mais permet l’érection d’un obélisque sur un site rattaché au patrimoine mondiale de l’humanité ; érection qui d’ailleurs n’aurait jamais pu être réalisée sans l’intervention technique et financière de l’Italie. Ce qui compte au final c’est peut-être moins la règle de droit génératrice d’obligation de réparation que le lent processus de réconciliation qui passe notamment par des « entreprises » de retour multidimensionnelles.
  • On pourrait reprocher à l’Italie d’avoir repousser d’un demi-siècle l’exécution d’une obligation qui lui incombait extensivement : retour à Axoum et frais y relatifs. Mais le Traité de 1956 ne le prévoyait pas. Quant à la charge reposant sur l’Ethiopie de procéder au retour à Axoum depuis Naples, elle excède très certainement le besoin culturel et politique lié au retour de l’obélisque.
  • On ne saurait aussi oblitérer l’importance de la figure originale (contrat avec une entreprise italienne) qui a permis l’intervention de l’UNESCO.
  • Le retour de l’obélisque est bien plus qu’une réparation. Le processus a très certainement permis la sédimentation d’une mémoire positive de l’humanité.

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VI. Sources

a. Doctrine

  • Belhumeur Jeanne, Miatello Angelo, Severino Roberto, Les atteintes aux biens culturels italiens pendant les conflits armés, in « Les aspects juridiques du commerce international de l'art », Briat Martine et Freedberg Judith A., La Haye (Kluwer Law and Taxation) 1996, vol. 5, p. 185 ss.
  • Bos Adriaan, The Importance of the 1899, 1907 and 1999 Hague Conferences for the Legal Protection of Cultural Property in the Event of Armed Conflict, in Museum International, Décembre 2005, n. 228, p. 32 ss.
  • Bugnion François, La genèse de la protection juridique des biens culturels en cas de conflit armé, RICR, 2004, vol. 86, n. 854, p. 313 ss.
  • Carducci Guido, L’obligation de restitution des biens culturels et des objets d’art en cas de conflit armé : droit coutumier et droit conventionnel avant et après la Convention de la Haye 1954. L’importance du facteur temporel dans les rapports entre les traités et la coutume, in Revue générale de droit international public, 2000, n. 2, p. 289 ss.
  • Croci Giorgio, From Italy to Ethiopia: The Dismantling, Transportation and Re-Erection of the Axum Obelisk, in Museum International, 2009, vol. 61, n. 241–242, p. 61 ss.
  • Etienne Clément, UNESCO : Some Specific Cases of Recovery of Cultural Proprety, in « Les aspects juridiques du commerce international de l’art », Briat Martine et Freedberg Judith A., La Haye (Kluwer Law and Taxation) 1996, vol. 5, p. 185 ss.
  • Ficquet Éloi, La stèle éthiopienne de Rome : Objet d’un conflit de mémoires, Cahiers d'études africaines, 2004, n. 173-174
  • Nahlik Stanislaw E., La protection internationale des biens culturels en cas de conflit armé, in Recueil des Cours 120,  (Martinus Nijhoff Publishers) 1967.
  • Pankhurst Richard, The Unfinished History of the Aksum Obelisk Return Struggle. 1 The Background of Post-Fascist Italy, disponible en ligne : http://www.ethiopiaonline.net/obelisk/tribune/13-06-97.html.
  • Pankhurst Richard, The Unfinished History of the Aksum Obelisk Return Struggle. 2 The Italo-Ethiopian Agreement of 1956: the Obelisk Issue which Could Not be Put to Rest, disponible en ligne : http://www.ethiopiaonline.net/obelisk/tribune/20-06-97.html.
  • Pankhurst Richard, The Unfinished History of the Aksum Obelisk Return Struggle. 3 The Beginnings of a Major Movement, disponible en ligne : http://www.ethiopiaonline.net/obelisk/tribune/27-06-97.html.
  • Pankhurst Richard, The Unfinished History of the Aksum Obelisk Return Struggle. 4 The Stadium Demonstration, and the Petitioning of International Scholars, disponible en ligne : http://www.ethiopiaonline.net/obelisk/tribune/04-07-97.html.
  • Scovazzi Tullio, Diviser c’est détruire : Principe éthiques et règles juridiques applicables au retour des biens culturels, disponible sur internet :  http://portal.unesco.org/culture/en/files/39157/12433501645Scovazzi_Fr.pdf/Scovazzi_Fr.pdf.
  • Scovazzi Tullio, Legal Aspects of the Axum Obelisk, in Museum International, 2009, vol. 61, n. 241–242, p. 52 ss.

b. Documents

  • Traité de Paix de 1947 entre l’Italie et les Puissances Alliées et Associées.
  • Accord entre l’Italie et l’Ethiopie (avec annexes et échange de notes) concernant le règlement des questions économiques et financières découlant du Traité de paix et la collaboration économique, signé à Addis-Abéba, le 5 mars 1956.
  • Déclaration conjointe de l’Italie et de l’Ethiopie du 4 mars 1997.
  • Protocole d’accord entre l’Italie et l’Ethiopie du 18 novembre 2004.

c. Législation

  • Convention (II) de La Haye du 29 juillet 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe : Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.
  • Convention (IV) de La Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son Annexe: Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.

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[1] Belhumeur Jeanne, Miatello Angelo, Severino Roberto, Les atteintes aux biens culturels italiens pendant les conflits armés, in « Les aspects juridiques du commerce international de l'art », Briat Martine et Freedberg Judith A., La Haye (Kluwer Law and Taxation) 1996, vol. 5, p. 185 ss.

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