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La Frise Beethoven – Héritiers Lederer c. Autriche

En 2013, les héritiers du collectionneur Enrich Lederer demandent la restitution de la « Frise Beethoven » de Klimt à l’État autrichien. Cette Frise avait été spoliée à Vienne à la famille Lederer par les nazis avant d’être restituée à Enrich Lederer à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, Enrich Lederer l’avait vendue à l’État autrichien tout en clamant qu’il n’avait pas d’autre choix.

 

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Citation: Hélène Rodriguez-Vigouroux, Alessandro Chechi, Marc-André Renold, "Affaire La Frise de Beethoven - Hértitiers Lederer c. Autriche" , Platforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l'art, Université de Genève, juillet 2019.

En 2013, les héritiers du collectionneur Enrich Lederer demandent la restitution de la « Frise Beethoven » de Klimt à l’État autrichien. Cette Frise avait été spoliée à Vienne à la famille Lederer par les nazis avant d’être restituée à Enrich Lederer à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, Enrich Lederer l’avait vendue à l’État autrichien tout en clamant qu’il n’avait pas d’autre choix.

                                   

I. Historique de l’affaire

Spoliations nazies

  • En 1915, l’œuvre « La Frise de Beethoven » de Gustav Klimt[1] est vendue par Carl Reininghaus à l’industriel juif autrichien August Lederer.
  • En 1938, une grande partie de la collection d’art d’August Lederer, y compris la Frise, est saisie par les nazis.
  • A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre est restituée à Enrich Lederer. Cependant, cette restitution est assortie d’une interdiction d’exportation.[2]
  • En 1972, l’œuvre est achetée à Erich Lederer par la République d’Autriche pour 15 millions de schillings (soit l’équivalent de 750.000 dollars de l’époque).[3]
  • Depuis 1986, la Frise est exposée au musée viennois Palais de la Sécession.[4]
  • Le 15 octobre 2013, les héritiers du collectionneur Erich Lederer contestent les circonstances dans lesquelles l’œuvre lui a été achetée par la République d’Autriche en 1972 et saisissent la Commission des biens spoliés en Autriche.[5] Celle-ci, suite à ses investigations, a soumis un rapport au Conseil consultatif qui sur cette base rend une recommandation à l’État autrichien.
  • Le 6 mars 2015, suite à ses investigations, la Commission des biens spoliés a soumis un rapport au Conseil consultatif des biens spoliés, qui sur cette base a recommandé à l'unanimité que la Frise Beethoven de Gustav Klimt ne soit pas restituée aux héritiers d'Erich Lederer.[6]

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II. Processus de résolution

Conciliation (Commission chargée des biens spoliés)

  • Le 15 octobre 2013, les héritiers Lederer, ont demandé la restitution de la Frise en invoquant la Loi sur la restitution d'œuvres d'art et autres biens culturels mobiliers provenant des musées et collections fédéraux autrichiens et d'autres biens fédéraux de 1998 révisée en 2009 (ci-après : Loi de 1998).[7] A ce titre, ces derniers ont dû formuler une demande d’examen de la situation auprès de la Commission chargée des biens spoliés en Autriche.
  • Cette Commission a été mise en place par la Loi de 1998.[8] Elle a pour but d’identifier les objets acquis par l’État après leur confiscation par les nazis et qui sont conservés dans les collections et musées autrichiens.[9] Les résultats des recherches de la Commission sont soumis au Conseil consultatif pour la restitution des œuvres d’art de la Chancellerie fédérale. Le Conseil consultatif transmet par la suite ses recommandations au département en charge de la question au sein du gouvernement.[10]
  • La Commission a transmis le résultat de ses recherches au Conseil consultatif, qui a le 6 mars 2015, recommandé que la frise ne soit pas remise aux héritiers Lederer.

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III. Problèmes en droit

Expropriation – propriété

  • Le principal problème dans cette affaire réside dans les conditions d’acquisition de la Frise par la République d’Autriche en 1972.
  • De son vivant, Enrich Lederer affirmait subir des pressions de la part de l’Autriche, qui cherchait à acquérir l’œuvre à un prix dérisoire. Pour ce faire, l’État autrichien aurait présenté à Enrich Lederer des frais de conservation, d’entretien et de restauration exorbitants justifiant un prix d’achat de la Frise plus bas que la valeur estimée de l’œuvre. Par ailleurs, l’Autriche invoquait une Loi de 1918[11] pour refuser un permis d’exportation de la Frise à Enrich Lederer[12], rendant ainsi difficile la vente du bien à des acheteurs étrangers. Seule une autorisation du Ministère en charge du patrimoine pouvait autoriser l’exportation de ce bien[13].
  • Devant la Commission, le Palais de la Sécession a fait valoir qu’une restitution n’était justifiée « ni juridiquement, ni moralement », la vente s’étant effectuée, selon son avocat, à un prix équitable et sans aucune forme de « contrainte ».[14] En effet, le musée a fait valoir que Enrich Lederer avait volontairement accepté le prix proposé par les autorités autrichiennes suite à des négociations, et que celui-ci avait été réduit parce que le gouvernement avait accepté de payer pour la restauration de la Frise.[15]
  • Les héritiers Lederer ont demandé la restitution de la Frise en soulignant que l’interdiction d’exportation s’appliquant à l’œuvre a obligé Enrich Lederer à vendre l’œuvre à des conditions défavorables après des années de vains efforts pour faire lever cette restriction.[16]
  • Par ailleurs, leur demande se basait sur la Loi de 1998 sur la restitution des œuvres d’art, qui prévoit la restitution des biens culturels spoliés durant le régime nazi.[17]
  • Cette Loi indique à son article premier, que le Ministre fédéral des finances est habilité à restituer gratuitement à leurs propriétaires initiaux ou à leurs héritiers légaux, les objets d’art et autres biens culturels mobiliers provenant des musées et collections fédéraux autrichiens, y compris les collections de l'Administration fédérale des objets mobiliers (Bundesmobilienverwaltung), et autres biens fédéraux directement détenus qui :
    • ont fait l'objet d'une restitution à leurs propriétaires initiaux ou à leurs héritiers ou devaient être restitués en vertu du règlement de l'époque et qui sont devenus la propriété de l'État fédéral après le 8 mai 1945 en relation directe avec les procédures prévues par la Loi fédérale sur l'interdiction de l'exportation des objets présentant un intérêt historique, artistique ou culturel (StGBI No 90/1918) et qui restent propriété de l'État (alinéa 1);
    • sont légalement devenus la propriété de l'Etat, mais qui avaient auparavant fait l'objet d'une transaction légale ou d'un acte juridique en vertu du § 1 de la Loi fédérale sur la déclaration d'annulation des transactions juridiques et autres actes juridiques survenus pendant l'occupation allemande de l'Autriche (BGBl. n° 106/1946) et sont toujours propriété de l'Etat (alinéa 2);
    • sont légalement devenus la propriété de l'État, mais qui ont fait l'objet d'une transaction légale ou d'un acte juridique au sens du § 1 de la loi fédérale sur la déclaration de l'annulation des opérations juridiques et autres actes juridiques survenus pendant l'occupation allemande de l'Autriche (BGBl. N° 106/1946) du 30 janvier 1933 au 8 mai 1945 sur un territoire du Reich allemand à l'étranger, qui étaient comparables aux opérations ou actes juridiques survenus pendant l'occupation allemande et sont encore propriété de l'État (alinéa 2a);
    • n'ont pas été restitués aux propriétaires initiaux ou à leurs héritiers légaux à l'issue de la procédure de restitution et sont devenus sans contrepartie financière la propriété de l'État en tant que biens abandonnés et restent la propriété de l'État (alinéa 3).[18]

Ces trois conditions doivent être liées de manière causale et temporelle.[19]

  • Le 6 mars 2015, le Conseil consultatif a rejeté la demande des héritiers Lederer qui se fondaient principalement sur la Loi de 1998. En effet, le Conseil consultatif estime qu’il n’existait pas de « lien temporel et concret » entre la procédure liée à l’interdiction d’exporter cette œuvre et son achat par l’État autrichien[20].

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IV. Résolution du litige

Rejet de la demande

  • Presque deux ans après la demande de la famille Lederer, le Conseil consultatif chargé des biens spoliés a rendu son avis en estimant que les conditions d’une restitution n’étaient pas réunies.
  • Selon un des avocats de la famille Lederer, les héritiers « continueraient à faire valoir ce qu’ils considèrent être leurs droits par tous les moyens légaux possibles ».[21]

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V. Commentaire

  • Depuis l’adoption de sa Loi de 1998 sur les biens spoliés, l’Autriche estime avoir rendu quelque 10'000 œuvres issues de ses collections publiques.[22]
  • Il est légitime de se questionner sur le comportement de l’État autrichien dans cette affaire. En effet, imposer des lois très strictes en matière d’exportation à des particuliers propriétaires de biens culturels persécutés durant la seconde guerre mondiale pourrait être interprété comme un nouvel acte d’oppression.
  • Par ailleurs, cette affaire n’est pas sans rappeler un autre dossier important, celui de la collection Bloch-Bauer. Ce dernier concernait plusieurs tableaux de Klimt appartenant à la famille Bloch – Bauer, spoliés par le régime nazi en Autriche durant la Seconde Guerre mondiale. Maria Altmann, citoyenne américaine et nièce du couple Bloch – Bauer, a demandé la restitution des tableaux à l’État autrichien en 1999 sans succès. Suite à cela, Maria Altmann et son avocat ont engagé de nouvelles procédures judiciaires aux États-Unis avant de convenir d’un arbitrage avec l’État autrichien. Au final, l’arbitrage s’est soldé par la restitution de cinq tableaux à Maria Altmann.[23]

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VI. Sources

a. Législation

  • Loi sur la restitution des œuvres d’art (Kunstrückgabegesetz), Federal Law Gazette I No. 181/1998.Loi interdisant l’exportation et la vente d’objets d’importance historique artistique ou culturelle (Gesetz, betreffend das Verbot der Ausfuhr und der Veräusserung von Gegenständer von geschichtlicher, künstlerischer oder kultureller Bedeutung) du 5 décembre 1918, No. 90/1918.

 

b. Documents

  • Décision de la Commission chargée des biens spoliés sur l’affaire de la Frise Beethoven de Gustav Klimt du 6 mars 2015.

 

c. Médias

  • Suites culturelles, Beethoven Frise – The Kiss to the Whole World, 23 août 2011, disponible en ligne : https://suitesculturelles.wordpress.com/2011/08/23/beethoven-frieze-the-kiss-to-the-whole-world/ (consulté le 17 février 2019).
  • Chambon Gilles, Les Klimt de la collection Lederer détruit à Immendorf, in Art-figuration, août 2012, disponible en ligne : http://art-figuration.blogspot.com/2012/08/les-klimt-de-la-collection-lederer.html(consulté le 14 février 2019).
  • AFP, La restitution de la « Frise Beethoven », un test pour l’Autriche, in le Point, 19 octobre 2013, disponible en ligne : https://www.lepoint.fr/culture/la-restitution-de-la-frise-beethoven-un-test-pour-l-autriche-19-10-2013-1745680_3.php (consulté le 14 février 2019).
  • Rocha Julien, La « Frise Beethoven » de Gustav Klimt est réclamée par les héritiers de son ancien propriétaire, in Le journal des arts, octobre 2013, disponible en ligne : https://www.lejournaldesarts.fr/la-frise-beethoven-de-gustav-klimt-est-reclamee-par-les-heritiers-de-son-ancien-proprietaire-119643 (consulté le 14 février 2019).
  • Tribune de Genève, L’Autriche conserve la « Frise Beethoven » de Gustav Klimt, in Tribune de Genève, le 6 mars 2015, disponible en ligne : https://www.tdg.ch/culture/L-Autriche-conserve-la-Frise-Beethoven-de-Gustav-Klimt/story/14034338 (consulté le 17 février 2019).
  • Culturebox, Vienne ne devra pas restituer la « Frise Beethoven » de Klimt, in Franceinfo, le 6 mars 2015, disponible en ligne : https://culturebox.francetvinfo.fr/arts/peinture/vienne-ne-devra-pas-restituer-la-frise-beethoven-de-klimt-213521 (consulté le 17 février 2019).
  • Huggler Justin, Austria rules against return of Klimt looted by Nazies to Jewish family, in The Telegraph, 6 mars 2015, disponible en ligne : https://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/austria/11455659/Austria-rules-against-return-of-Klimt-looted-by-Nazis-to-Jewish-family.html (consulté le 16 février 2019).
  • Provenienforshung, Presseinformation, 6 März 2015, disponible en ligne : http://www.provenienzforschung.gv.at/de/?s=lederer (consulté le 17 février 2019).
  • AFP, L’inextricable restitution des œuvres d’arts spoliées par les nazis, in Le Point, 5 novembre 2017, disponible en ligne : https://www.lepoint.fr/monde/l-inextricable-restitution-des-oeuvres-d-arts-spoliees-par-les-nazis-05-11-2017-2169942_24.php# (consulté le 28 mars 2019).
  • Kommission für Provenienzforshung, Kommission, disponible en ligne : http://www.provenienzforschung.gv.at/de/kommission/ (consulté le 15 février 2019).
  • Provenienforshung, Kommission, disponible en ligne : http://www.provenienzforschung.gv.at/de/kommission/ (consulté le 17 février 2019).
  • Renold Caroline, Chechi Alessandro, Bandle Anne Laure, Renold Marc-André, “Case 6 Klimt Paintings – Maria Altmann and Austria,” Platform ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Art-Law Centre, University of Geneva, disponible en ligne : https://plone.unige.ch/art-adr/cases-affaires/6-klimt-paintings-2013-maria-altmann-and-austria (consulté le 31 mai 2019).

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[1] L’œuvre est une fresque murale de 34 mètres de long sur 2 mètres de haut en sept panneaux représentant la Neuvième symphonie de Beethoven.

[2] Suites culturelles, Beethoven Frise – The Kiss to the Whole World, 23 août 2011.

[3] AFP, La restitution de la « Frise Beethoven », un test pour l’Autriche, in Le point, 19 octobre 2013.

[4] Rocha Julien, La « Frise Beethoven » de Gustav Klimt est réclamée par les héritiers de son ancien propriétaire, in Journal des arts, 17 octobre 2013.

[5] AFP, la restitution de la « Frise Beethoven », un test pour l’Autriche, in Le point, 19 octobre 2013. La Commission des biens spoliés (Kommission für Provenienzforschung) a été créée en 1998. Elle a pour tâche d’enquêter auprès des Musées et des collections fédérales autrichiennes dans le but d’identifier les objets acquis par l’État suite à une spoliation nazie.

[6] Provenienzforschung, Presseinformation, 6 März 2015.

[7] Kunstrückgabegesetz, Federal Law Gazette I No. 181/1998.

[8] Cette Loi autorise les ministres fédéraux responsables des collections fédérales respectives contenant les objets acquis par l'État à la suite des spoliations nazies à restituer ces objets à leurs propriétaires ou successeurs légaux d'origine.

[9] Section 4a de la Kunstrückgabegesetz, ibid.

[10] Voir: http://www.provenienzforschung.gv.at/en/kommission/; Section 3 § 4 de la Kunstrückgabegesetz.

[11] Loi interdisant l’exportation et la vente d’objets d’importance historique artistique ou culturelle du 5 décembre 1918, 90/1918.

[12] Art. 1 de la Loi interdisant l’exportation et la vente d’objets d’importance historique artistique ou culturelle du 5 décembre 1918.

[13] Art. 4 de la Loi interdisant l’exportation et la vente d’objets d’importance historique artistique ou culturelle du 5 décembre 1918.

[14] Culturebox, Vienne ne devra pas restituer la « Frise Beethoven » de Klimt, in Franceinfo, le 6 mars 2015.

[15] Huggler Justin, Austria rules against return of Klimt looted by Nazis to Jewish family, in The Telegraph, le 6 mars 2015.

[16] Tribune de Genève, L’Autriche conserve la « Frise Beethoven » de Gustav Klimt, in Tribune de Genève, le 6 mars 2015.

[17] Provenienforshung, Presseinformation, 6 März 2015 ; Le Quotidien de l’Art, « L’Autriche conservera la « Frise Beethoven » de Klimt, in Le Quotidien de l’Art, le 9 mars 2015.

[18] Librement traduit de l’anglais.

[19] Provenienforshung, Presseinformation, 6 März 2015. 

[20] Idem.

[21] Culturebox, Vienne ne devra pas restituer la « Frise Beethoven » de Klimt, in Franceinfo, le 6 mars 2015.

[22] AFP, L’inextricable restitution des œuvres d’art spoliées par les nazis, in Le point, 5 novembre 2017.

[23] Renold Caroline, Chechi Alessandro, Bandle Anne Laure, Renold Marc-André, « Case 6 Klimt Paintings – Maria Altmann and Austria », Platform ArThemis, Art-Law Centre, University of Geneva.

 

 

 

 

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