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Cloche de Shinagawa – Ville de Genève et Temple de Shinagawa

En 1930, la Ville de Genève décide de restituer une cloche du XVIIème siècle au Temple de Shinagawa (Japon), son lieu d’origine. En échange, le Temple cède une lanterne en granit de forme Zendoji. En 1991, le Temple cède à Genève une réplique de la cloche en signe de reconnaissance.

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Citation : Raphael Contel, Anne Laure Bandle, Marc-André Renold, « Affaire Cloche de Shinagawa – Ville de Genève et Temple de Shinagawa », Plateforme ArThemis (http://unige.ch/art-adr), Centre du droit de l’art, Université de Genève.

*Cette fiche publiée initiallement en 2012, a été révisée par Monsieur Philippe A. F. Neeser, le président de l'Association d'amitié Genève-Shinagawa. 

En 1930, la Ville de Genève décide de restituer une cloche du XVIIème siècle au Temple de Shinagawa (Japon), son lieu d’origine. En échange, le Temple cède une lanterne en granit de forme Zendoji. En 1991, le Temple cède à Genève une réplique de la cloche en signe de reconnaissance. 

 

I. Historique de l’affaire

Demandes de restitution pre 1970

  • Au XVIIème siècle, la cloche du temple Honsen-ji de Shinagawa (le Temple de Shinagawa) est coulée dans le bronze, décorée avec des représentations des six incarnations du Bodhisattva Avalokitésvara et sculptée probablement par Kosai.[1] Ce temple se trouve sur la voie du Tokaido avant Edo (Tokyo).
  • En 1867, à la chute du régime féodal, le Temple Honsen-ji est incendié et la cloche, seule rescapée du sinistre, disparaît.[2] Les circonstances de la sortie de la cloche du Japon ne sont pas claires. Il est allégué que la cloche est partie en Europe pour les Expositions universelles de Paris et de Vienne et n’a jamais été retournée.[3] Selon Philippe A. F. Neeser, le président de l’Association d'amitié Genève-Shinagawa, la cloche aurait plutôt été expropriée et vendue à l’étranger pour la qualité du bronze japonais en 1872 : « sous l’ère Meiji, qui commence en 1868, le gouvernement veut faire du culte Shintô la religion d’Etat, au détriment du bouddhisme, trop identifié selon lui au régime précédent. Des temples bouddhistes sont détruits et leurs bien dispersés ».[4]
  • En 1873, la cloche est découverte et acquise par le collectionneur genevois Gustave Revilliod à la fonderie Rüetschi d'Aarau.[5] La cloche est installée dans le parc de l’Ariana à Genève.
  • En 1890, la cloche fut léguée par Gustave Revilliod avec tous ses biens à la Ville de Genève.[6]
  • Aux alentours de 1919, un étudiant découvre la cloche du Honsen-ji dans le parc du Musée de l’Ariana. Cette information est confirmée par le secrétaire aux Affaires étrangères Yuzo Ishimaru lors d’une session de la Société des Nations.
  • L’abbé du Honsen-ji, Junkai Wajo, à l’annonce de la nouvelle, écrit les lignes suivantes : « Au Japon, la cloche n’annonce pas seulement les heures… Elle contribue aussi à la richesse de la vie intérieure des gens. Ses sons inspirent une croyance. Pendant qu’on coule une telle cloche […], les gens prient et font des vœux ; quant au fondeur, il se purifie le corps avant de s’appliquer à mettre au monde un chef d’œuvre. »[7]
  • En 1929, le Conseil Municipal de la Ville de Genève décide d’accepter la restitution de la cloche à son lieu d'origine. La cloche retourne à Shinagawa l'année suivant.
  • En avril 1930, la cloche est de retour à Tokyo.[8] On lui construit un clocher et on l’a déclare trésor national.[9]
  • En 1990, une réplique de la cloche est réalisée par le Temple de Shinagawa (plus précisément la communauté paroissiale du Honsen-ji de Shinagawa) et à ses frais, pour célébrer le soixantième anniversaire du retour de la cloche. Elle est offerte à la Ville de Genève. Le baptême de celle-ci à lieu à Shinagawa, en présence des autorités de la Ville de Genève.
  • En 1991, un pavillon est construit dans le parc de l'Ariana et une cérémonie d'installation de la nouvelle cloche est conduite. Elle donne aussi lieu à la signature, le 9 septembre 1991, d'une Charte d'amitié entre Genève et Shinagawa.

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II. Processus de résolution

Voie diplomatique

  • Le Japon a procédé par la voie diplomatique. En effet, le Ministre de la culture japonais a adressé une lettre au Conseil administratif de la Ville de Genève par l’intermédiaire du Consul impérial à Genève et de la légation du Japon à Berne. Le Ministre de la culture avait lui-même été saisi par le ministère des Affaires étrangères sur requête du Temple de Shinagawa.

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III. Problèmes en droit

Propriété

  • Le testament du donateur ne semble pas soulever de problème puisqu’il ne contient pas de clause interdisant l’aliénation des objets cédés.[10]

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IV. Résolution du litige

Echange – Copie – Coopération culturelle

  • La question de la restitution de la cloche est résolue par une double donation : donation de la cloche du Temple de Shinagawa par la Ville de Genève et donation d’une lanterne à la Ville de Genève par le Temple. Le Conseil municipal de la Ville de Genève interprète cet acte comme un « échange ».[11]
  • Soixante ans plus tard, une réplique de la cloche est effectuée par le Temple sans demande et sans frais pour la Ville de Genève en témoignage de sa reconnaissance.
  • Le 9 septembre 1991, une d'Association d'amitié Genève-Shinagawa est créée dans le prolongement de la signature d'une Charte d'amitié par les maires de Genève et de Shinagawa (arrondissement de Tokyo). Les buts de l’association sont l'échange et l'accueil de jeunes gens et de citoyens de la commune de Shinagawa ; l'échange d'activités culturelles, plus particulièrement d'expositions, de concerts, de voyages, etc. ; et le soutient à toutes actions ponctuelles ou permanentes favorisant les relations d'amitié et de paix entre les villes de Genève et Shinagawa.[12] 

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V. Commentaire

  • Dans cette affaire apparaît en filigrane à la fois l’importance de la dimension immatérielle du bien culturel en question et le sentiment d’appartenance et/ou d’identification qui lui est rattaché et toute la relativité de cette importance. En effet, lors des hostilités le temple fut brûlé à l’exception de la cloche (pur hasard probablement). La destruction des biens de l’ennemi et/ou des trophées de guerre était à l’époque, et pas seulement au Japon, une pratique fort répandue. Pour des raisons de politique guerrière, l’importance d’un bien même culturel peut donc être réduite à néant. Mais une fois le bien « sorti » de son contexte, il peut aussi « perdre » toute sa dimension immatérielle et être perçu comme un bien ordinaire : La cloche est une masse à fondre. Ce qui sauve la cloche est le coup d’œil heureux de l’amateur d’art. En l’espèce, le retour de la cloche fait sens pour le revendiquant, car ce qui est réactualisé est toute la dimension immatérielle : historique, culturelle lato sensu et surtout cultuelle. Dans la balance entre prérogatives du propriétaire à des fins de conservation et de mise en valeur des collections (bien muséal public) et revendication par le propriétaire « immatériel » du bien culturel, il est difficile de faire peser la simple mise en valeur (voir les discussions du Conseil Municipal de la Ville de Genève au Mémorial) ; ce d’autant, que dans le cadre de la restitution, un échange est proposé qui enrichit la collection du Musée.

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VI. Sources

a. Doctrine

  • Genève-Shinagawa Shinagawa-Genève, Sous la direction d’Eric Burkhard, Marie-Thérèse Coullery, Didier Grange, André Klopmann, Genève, 1996.

b. Documents

  • Mémorial du Conseil Municipal de la Ville de Genève, Séance du 15 octobre 1929, sixième objet, p. 341 ss.

c. Media

  • Chaix, Benjamin. « 1991 L’amitié Genève-Shinagawa est scellée, » TDG. 3 septembre 2016. http://www.tdg.ch/vivre/histoire/1991-L-amitie-GeneveShinagawa-est-scellee-/story/18984199 (consulté 3 octobre 2016).

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[1] Genève-Shinagawa Shinagawa-Genève, sous la direction d’Eric Burkhard, Marie-Thérèse Coullery, Didier Grange, André Klopmann, Genève, 1996, p. 16.

[2] Ibid., p. 18. Voir aussi le témoignage du Révérand Junkai Nakad, cité p. 34.

[3] Ibid., p. 19.

[4] Benjamin Chaix, « 1991 L’amitié Genève-Shinagawa est scellée, » TDG, 3 septembre 2016, http://www.tdg.ch/vivre/histoire/1991-L-amitie-GeneveShinagawa-est-scellee-/story/18984199 (consulté 3 octobre 2016). 

[5] Genève-Shinagawa Shinagawa-Genève, p. 20.

[6] Ibid., p. 23.

[7] Ibid., p. 23.

[8] Ibid., p. 27.

[9] Ibid., p. 27.

[10] Mémorial du Conseil Municipal, p. 343.

[11] Voir l’article 2 de l’arrêté du Conseil Municipal, Mémorial du Conseil Municipal, p. 347.

[12] Voir le site Internet de l’association Amitiés Shinagawa – Genève : http://www.geneve-shinagawa.ch/cloche.html (consulté le septembre 2011).

 

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